Des informations en provenance de l’hôtel Coburg de Vienne disent que la majeure partie d’un avant-projet d’accord a déjà obtenu l’approbation des deux groupes de travail en charge de la levée des sanctions et des arrangements liés à l’accomplissement des engagements. Cela veut dire que techniquement parlant, les États-Unis doivent lever les sanctions nucléaires illégitimes et se soumettre à des vérifications ; cependant cela n’est pas encore le cas à cause exactement des atermoiements américains. Un article publié par le site d’information et d’analyse politique Mashregh News, que résument les lignes suivantes, nous dit en détail pourquoi dans de telles circonstances un dialogue direct avec les États-Unis n’aura rien de positif pour les Iraniens.
Dirigée par Robert Malley, l’équipe de négociateurs américains à Vienne, au lieu de mettre en œuvre leurs engagements, cherchent une alternative. Les Américains prétendent qu’« accorder un tel niveau de concessions au cours des pourparlers de Vienne coûterait cher au président Biden et risque même d’aboutir à la défaite politique des démocrates aux deux élections futures ». C’est comme si les Américains voient dans les pourparlers de Vienne une « carte gagnante » dans le bilan politique de la politique étrangère de Joe Biden ; c’est pourquoi ils se sont focalisés sur le « dialogue direct », pour esquiver les options qui pourraient leur coûter beaucoup plus cher, telles que la confrontation militaire ou l’intensification des sanctions.
Les messages consécutifs des Américains à l’adresse de Téhéran pour organiser des pourparlers directs devraient donc être évalués sous cet angle ; à travers le dialogue direct, les Américains veulent suivre la même approche : pressions et revendications maximales et ouverture, autrement dit, concession minimale. Et en parlant des concessions minimales, les Américains y voient un moyen afin de semer la discorde et désolidariser le peuple et le gouvernement en Iran. Il suffit que les deux parties se réunissent à la table des négociations pour discuter de l’accord de 2015 (connu sous le nom du Plan global d’action conjoint, PGAC ou JCPOA selon le sigle anglais) ; et les Américains veulent en profiter pour réduire leurs propres engagements.
Tout laisse conclure que l’insistance américaine à établir le dialogue direct avec l’Iran n’est qu’une tactique censée faire adhérer la communauté internationale à la politique de pression maximale et légitimer de nouveau les sanctions imposées à l’Iran. Sinon, pourquoi ce geste devenu ces jours-ci habituel des responsables américains, que ce soit le président Joe Biden et son secrétaire d’État Antony Blinken, ou le négociateur en chef Robert Malley et la porte-parole Jen Psaki qui, à l’importe quelle tribune ou réunion, reprochent à l’ex-président Trump d’avoir retiré les États-Unis du PGAC ?
Évidemment, ce reproche n’est pas le signe que les démocrates américains auraient une attitude « plus humaine » que les républicains ; il s’agit juste d’une tactique d’un parti politique soucieux de son sort politique…
Pourquoi il n’y a rien de positif dans un dialogue direct avec les USA ?
1. Après l’annonce officielle de la signature d’un accord de partenariat à longue durée entre l’Iran et la Chine, les États-Unis ont transmis deux signaux qui contredisaient leurs prises de positions d’antan. Ils ont adopté une approche de « mesures simultanées » et puis, ils ont même parlé de « nouvelles mesures incitatives » pour lancer le dialogue avec l’Iran.
Cela doit devrait d’ailleurs nous conduire à cette conclusion que, pour résoudre les problèmes d’ordre économique résultant des sanctions, il va falloir rectifier les politiques économiques internes, sans mettre trop d’espoir dans les décisions politiques ou sécuritaires du camp d’en face.
2. En cas de l’acceptation de la proposition de dialogue direct, mis à part des photos souvenir avec Biden ou des pauses d’après-midi avec Blinken, il y aura toujours et encore les sanctions, que les Américains vont classer en deux groupes : celles qui peuvent être levées, et celles qui ne peuvent pas être levées mais qui sont négociables…
Cette situation poussera Téhéran vers une étape compliquée. Il y aura peut-être une levée des sanctions étape par étape, mais les Américains, trop adhérés comme toujours à leur fameux concept de « Good deal », essaieront de « vendre » aux Iranien, chaque petite étape d’une levée des sanctions, comme un « accord final », de façon à maintenir à la table des négociations la partie iranienne, soucieuse elle aussi de ne pas fournir des concessions pour rien.
3. Les négociations de Vienne se sont poursuivies jusqu’ici d’une façon comme quoi les Américains auraient besoin d’une continuité des pourparlers et les Iraniens, d’un aboutissement ! Dans de telles circonstances, les Américains essaieront de prévoir des concessions à un niveau permettant de continuer les négociations, sans les conduire vers un aboutissement. Même si l’Iran accepte d’un coup les « concessions proposées », le paquet de propositions sera très probablement si incomplet qui rende indispensables de nouvelles négociations.
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4. Proposer un dialogue direct avec l’Iran fait partie des plans du soi-disant groupe de prévention de crise américain pour freiner ce qu’il appelle un Iran atomique à l’avenir ; or, il ne serait pas raisonnable de compromettre une opportunité de faire disparaître les sanctions, en contrepartie de concessions à court terme.
5. Accepter la proposition de dialogue direct c’est comme accepter que les lois intérieures américaines s’imposent désormais en tant que règles générales dominant les négociations. Cela signifierait une acceptation de l’hégémonie de la partie d’en face, en échange de soi-disant concessions déterminées par les observatoires d’idées occidentaux. D’ailleurs, les décrets présidentiels de Joe Biden ont une garantie d’exécution d’au maximum deux ans ; tandis que les chances du parti démocrate américain de remporter les futures élections du Congrès sont minces.
Bref, se précipiter vers un dialogue direct avec Washington sur fond du statu quo des négociations de Vienne réduirait à un « PGAC politique » le débat au sujet des avantages économiques d’une levée des sanctions imposées illégitimement à l’Iran. La diplomatie iranienne est donc consciente du fait que la réponse aux problèmes économiques issus des sanctions devrait être finalement d’ordre économique. Il n’y aura aucun autre raccourci dialogué.
Et si les Américains cherchent un nouvel arrangement sécuritaire régional à traves les négociations, l’Iran à son tour saura imposer son jeu à l’adversaire. Autrement dit, le niveau des progrès nucléaires iraniens est de nos jours beaucoup plus développé qu’en 2015, l’année où l’accord de Vienne a été signé. Pour leur part, les États-Unis ne seraient pas bien placés pour marchander au sujet de la loi Caatsa [qui impose des sanctions aux pays qui achètent des armes aux entreprises russes], et la loi ISA [qui porte amendement à la loi sur les sanctions contre l’Iran datant de 1996].
En outre, la « débandade » des terroristes du CentCom de la région ne vaut pas le coup que l’Iran la considère comme une concession arrachée aux Américains à l’issue de négociations ; par contre, c’est les Américains qui doivent lever toutes les sanctions imposées à l’Iran, pour se rassurer que leurs soldats puissent avoir un retrait « en sécurité » de l’Asie de l’Ouest jusqu’à la dernière personne.
Par ailleurs, l’autorité chancelante des alliés de Washington soucieux de trouver des partenaires pour l’OTAN dans la région du golfe Persique n’a rien à dire face à la puissance régionale de la RII. Au moment où la diplomatie iranienne est plus que jamais rassurée par les évolutions sur le terrain, une photo souvenir avec Joe Biden ne mériterait pas l’attention des Iraniens, au cas où les Américains auraient l’enfantine idée de la mettre sur la table de supposées négociations directes avec l’Iran.