« Nous sommes au seuil d'une "guerre du gaz" avec sa première étincelle à Tripoli, en Libye, qui pourrait conduire à la déstabilisation de tous les pays d'Afrique du Nord et redessiner la carte de la Méditerranée orientale et la Turquie pourrait en être la cible » a averti Abdel Bari Atwan, célèbre analyste du monde arabe et rédacteur en chef du quotidien en ligne Rai al-Youm.
« Le commandant de l'Armée nationale libyenne (ANL) Khalifa Haftar a annoncé le vendredi 13 décembre le début d’une opération décisive pour reprendre la capitale libyenne, Tripoli. Il a appelé ses forces à respecter les règles du conflit, déclarant : "Aujourd'hui, nous annonçons une opération décisive et avançons vers le centre de la capitale" », a écrit Abdel Bari Atwan.
Comme de nombreux observateurs, nous craignons que cette décision qui a été prise dans un contexte de tension croissante entre l'Égypte et la Turquie sur la Libye, n'entraîne un conflit militaire direct ou indirect entre Le Caire et Ankara en raison de l'accord maritime signé par le gouvernement d'union nationale (GAN) libyen, de Fayez al-Sarraj, et le gouvernement turc pour le partage de l’Est, riche en gaz, de la mer Méditerranée entre la Turquie et la Libye.
La question qui se pose actuellement est de savoir si le gouvernement d'union nationale fera appel au président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a promis de le soutenir, et quelle sera la réponse de l'Égypte en tant que principal soutien du général Haftar ? Est-ce que ses avions bombarderont les navires turcs transportant des soldats et des équipements vers les ports de la Libye ?
La tension entre la Turquie et l'Égypte a éclaté après l'avancée des forces de l'armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar à Tripoli et le bombardement de cibles dans le port de Misrata par ses avions. La Turquie envoie des équipements militaires turcs au port de Misrata pour soutenir les mouvements islamistes qui sont le bras militaire du gouvernement d'union nationale (GAN) libyen.
Lorsque le président truc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé qu’il serait prêt à envoyer des forces et des équipements militaires en Libye si le gouvernement de Fayez al-Sarraj, qui a obtenu sa légitimité de l’accord "Sakhirat" sous la supervision de l'ONU, le demande; il a fait échouer toutes les cartes de victoire dans le dossier libyen provoquant ainsi l'indignation de pays qui soutiennent le général Haftar tels que l'Égypte, les Émirats arabes unis, la Russie et la France.
Le soutien militaire de l’Égypte aux forces de Haftar a été rendu public après la diffusion d'une vidéo par la campagne de propagande de Haftar. La vidéo montre un char égyptien "Tag Shooter", une dernière production de l'Organisation égyptienne de l'industrie militaire, qui est apparue en réponse à la volonté de la Turquie d'intervenir militairement pour soutenir ses alliés en Libye.
Le gouvernement d’union nationale ne dispose pas d’armée puissante. Il dépend de forces des mouvements islamistes armés à Tripoli et Misrata, mais il jouit d’une légitimité internationale qui est en déclin avec l'avancée des forces de Haftar et l'expansion de la nouvelle coalition opposée à la Turquie en Méditerranée orientale. Cette coalition qui comprend la Grèce, l'Égypte, Chypre, la Jordanie, l'Italie et le régime israélien a été formée sous l'égide de la "Conférence méditerranéenne du gaz en Méditerranée ". La Turquie a été mise de côté et la Syrie et le Liban n’ont pas pu y adhérer. Cette coalition est apparemment préoccupée par le gaz, mais elle poursuit secrètement des visées politiques.
Erdogan a senti le danger de l'encerclement de son pays par cette coalition, d'autant plus que la Grèce, l'Égypte et le régime israélien sont ses principaux ennemis, il a donc accueilli al-Sarraj, le 27 novembre dernier, à Istanbul avec qui il a signé des accords maritimes et militaires qui ont exacerbé la tension et renforcé l'unité entre les ennemis de la Turquie, incitant la Grèce à expulser l'ambassadeur de Libye à Athènes.
La Libye attend une étincelle qui pourrait déclencher une deuxième guerre bien plus dure que la première. L’attaque contre le cœur de la capitale par Haftar et ses forces et l'unité de la Libye sous la bannière des forces du général Khalifa Haftar, sera considérée comme une défaite majeure pour la Turquie et ses alliés si on n’y fait pas face. Nous ne pensons pas qu'Erdogan acceptera cette défaite et abandonnera finalement ses alliés. Il n’est pas exclu qu'Erdogan envoie des troupes et des blindés à Tripoli et à Misrata et qu’il répète une attaque similaire à celle dans le nord de la Syrie.
Il est possible que l'Égypte envoie des chars, des troupes, des navires de guerre et des avions de guerre en Libye pour soutenir Haftar face au gouvernement d’union nationale dont les médias disent qu'il est sous le contrôle des communautés islamistes extrémistes, en particulier des Frères musulmans. Mais il est exclu que le gouvernement du président égyptien, al-Sissi, envoie des forces terrestres à moins que ce ne soit le dernier recours.
Erdogan dit qu'il espère que la Libye ne deviendra pas une autre Syrie et al-Sissi en allusion à une solution militaire a prédit que la crise libyenne sera résolue dans les six prochains mois, mais les réalités sur le terrain indiquent que si une guerre par procuration éclate entre l'Égypte et la Turquie sur le sol libyen, elle sera encore pire que la guerre en Syrie.
C'est la nation libyenne qui a payé le prix de la Première Guerre avec son sang, sa richesse et la transformation de son pays en un État défaillant. La moitié du peuple libyen est déplacée vers les pays voisins tels que l'Égypte, la Tunisie et l'Algérie. Sans l’ombre d’un doute, une partie de ce peuple qui est restée sur le sol libyen deviendra les bûches d’une deuxième guerre. Après le renversement du colonel Kadhafi, l'OTAN a abandonné le peuple libyen qui devait faire face aux milices qui mettaient en péril la sécurité et la stabilité de leur pays. Maintenant, les puissances régionales font la même chose sous prétexte de soutenir ce peuple et ses intérêts.
La question qui se pose ici est de savoir si l'Égypte se battra en Libye alors qu’elle mène une bataille acharnée liée au barrage éthiopien d'al-Nahda ? Est-ce que la Turquie s’engagera dans une autre guerre à des milliers de kilomètres loin de chez elle alors qu’elle s'est engagée dans une autre guerre en Syrie et qu’elle entourée d'ennemis ?
Nous sommes au seuil d'une "guerre du gaz" avec sa première étincelle à Tripoli, en Libye, qui pourrait conduire à la déstabilisation de tous les pays de l'Afrique du Nord et à redessiner la carte de la Méditerranée orientale. La Turquie pourrait faire l’objet de cette guerre comme ce qui est arrivé à l'Irak sous Saddam Hussein au Koweït. Le piège est en train d’être tendu avec grande précision.
Nous ne pensons pas que le général Haftar tirera la première balle sur Tripoli sans le feu vert de l'Égypte, des Émirats arabes unis, de la France et de la Russie. D'un autre côté, la balle est maintenant dans le camp d'Erdogan.