TV
Infos   /   A La Une   /   Asie   /   L’INFO EN CONTINU

En appelant la Turquie à cesser son opération dans le nord est syrien, Pékin a annoncé son entrée en scène

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des forces armées soutenues par Ankara dans la ville de Tel Abyad, au nord de la Syrie. ©Reuters

Depuis le début de l’offensive turque contre le nord de la Syrie, la Chine demande la fin de l’opération « Source de paix », estimant que les terroristes d’al-Qaïda pourraient s’installer facilement dans la « zone sécurisée » qu’Ankara veut créer; d’autant plus que parmi ces terroristes, il y a des ressortissants chinois dont les activités pourraient créer de sérieux dangers pour la sécurité nationale de la Chine. En outre, Pékin soutient l’idée de la création d’un corridor est-ouest jusqu’à la Méditerranée via les territoires irakien et syrien, dans le cadre de son initiative de « la Ceinture et la Route ».

Après la décision du président Trump de retirer les troupes américaines de Syrie, il est clair que la domination mondiale des États-Unis est menacée. « Il faut attendre maintenant pour savoir lequel des rivaux en lice deviendra la superpuissance mondiale du XXIe siècle », selon le quotidien britannique The Guardian.  

Simon Tisdall, analyste des affaires étrangères au journal The Guardian, estime que le retrait des troupes américaines de Syrie a été souvent considéré par la presse internationale comme une « trahison » de Washington vis-à-vis de ses alliés kurdes dans le nord et dans le nord-est de la Syrie. Mais un examen plus subtile des événements indiquerait que le retrait de Trump de la Syrie doit être vu plutôt comme un « moment décisif dramatique tant pour le Moyen-Orient que pour l’influence américaine ».

La semaine dernière, des observateurs américains et européens annonçaient la fin du leadership régional des États-Unis au Moyen-Orient et même de la domination internationale de Washington.

Simon Tisdall rappelle qu’un commentateur de The Hill, un site web consacré à la politique étrangère des États-Unis, a même comparé ce retrait américain de Syrie à un autre tournant historique important: le retrait britannique de la rive est du canal de Suez en 1968.

Certains analystes ont également interprété les toutes récentes évolutions en Syrie comme une preuve montrant qu’une Amérique, de plus en plus isolationniste, se replie sur elle-même et laisse (comme le font inévitablement tous les empires affaiblis) les puissances mondiales émergentes façonner un nouvel ordre mondial. Et les regards se tournent principalement vers la Chine.

L’auteur écrit: « S'il est clair que le poids de l’ancien ordre international dominé par les États-Unis après 1945 s’affaiblit, il est difficile de savoir ce qui le remplacera - et qui l’emportera. Les principaux concurrents mondiaux - les États-Unis, la Chine, la Russie et l'Europe - restent les mêmes. Mais la capacité et le désir relatifs de chaque bloc de pouvoir façonner et diriger le XXIe siècle en déjouant et en surpassant ses rivaux peuvent changer fondamentalement. »

Bien que les États-Unis demeurent, à tous les égards, le pays le plus influent et le puissant du monde, l’avènement de Donald Trump a relancé le débat sur la fin de sa domination mondiale. Pourtant, Simon Tisdall croit que si cela se produit effectivement, le changement ne commence pas avec Trump mais dès la présidence de George H. W. Bush de 1989 à 1993.

En déclarant sa victoire dans la guerre froide et réduisant les dépenses militaires des États-Unis, George Bush père a contribué à nourrir un état d’esprit selon lequel l'hégémonie mondiale des États-Unis et le statut nouvellement acquis de ce pays en tant que seule superpuissance mondiale étaient « immuables ». D’après cette vision erronée, l’Amérique pouvait et devait faire exactement ce qui lui plaisait. Cette thèse trop compliquée a été mise en exergue par la thèse très controversée de Francis Fukuyama, The End of History, parue pour la première fois en tant qu’essai en 1989.

Mais les événements du 11 septembre 2001 ont brisé « l’illusion des États-Unis au-dessus de toute la planète ». L’auteur continue: « Contrairement à l’époque qui avait commencé dès 1945, la politique étrangère et la stratégie militaire des États-Unis ont été, depuis le 11 septembre 2001, essentiellement défensive et de nature réactive. »

Simon Tisdall ajoute qu’en annonçant la « guerre contre le terrorisme », l’Amérique a perdu la vision globale de ses slogans (démocratie, prospérité, liberté) pour adopter d’autres missions et véhiculer d’autres images à travers le monde: les coupes à l’aide étrangère, l’hostilité à l’égard de l’ONU et du multilatéralisme en général, et des actions idéologiques comme « nation-building » en Irak. D’après l’auteur, ce revirement symbolise le changement du statut des États-Unis dans le monde.

Tisdall écrit: « À cet égard, Trump n’est que le représentant brutal et ignorant de ce processus de régression qui se prépare depuis longtemps. Le déclin économique relatif des États-Unis résultant de la mondialisation, de la désindustrialisation et de la concurrence accrue pour les ressources et les marchés, a contribué à réduire les horizons américains. Le dégoût de Trump pour les interventions à l’étranger, qu’il qualifie souvent d’incohérentes et de coûteuses (telles que la Syrie), en est un symptôme. »

Certes, les États-Unis sont toujours le leader mondial dans des domaines clés tels que le numérique, le cybernétique, la science médicale, l’innovation technologique et l’exploration spatiale. Leur richesse est inégalée. Les États-Unis sont devenus ces derniers temps le premier producteur mondial de pétrole et ils restent la première puissance militaire du monde.   

« On dit que le trumpisme a changé de façon permanente les perspectives de l’Amérique. C’est peut-être vrai, mais il y a fort à parier que ces successeurs, quels qu’ils soient, tenteront d’arrêter l’isolationnisme américain. Les futurs présidents ne céderont pas le leadership mondial aux autres, comme il l’a fait, et pourraient agir de manière agressive pour rétablir la réputation et le rôle de premier plan de l’Amérique dans le monde du XXIe siècle », souligne Tisdall. 

L’Union européenne :

L'Europe et les États-Unis apparaissent comme des partenaires naturels. Pourtant, l’histoire de ces dernières années est celle d’une division et d’une rivalité grandissantes.

Des divisions et des querelles préjudiciables ont eu lieu sur des questions telles que la guerre en Irak, le protectionnisme commercial, l’importance des institutions internationales telles que les Nations unies, l’avenir de l’OTAN, la justice transnationale et la politique environnementale.

L'Union européenne est divisée de l'intérieur également sur le mode de fonctionnement de la zone euro ou l'équité budgétaire. Il existe également des scissions est-ouest et nord-sud, dramatisées par la montée des populistes de l’extrême droite en Italie et par les conflits de gouvernance opposant la Pologne et la Hongrie à Bruxelles.

La Russie :

D’après Simon Tisdall, au XXIe siècle, « la Russie a frappé plus fort que son poids ». Cependant, il estime que les succès diplomatiques, militaire et géostratégiques de Moscou, notamment au Moyen-Orient, ne peuvent dissimuler des faiblesses intérieures de la Russie comme un sous-investissement chronique, une dépendance excessive des recettes de l’exportation d’énergie, etc.

La Chine :

Selon l’auteur, le président chinois, Xi Jinping, ne cache pas son ambition de ramener l’Empire du milieu à une position de leadership mondial au centre des événements internationaux.

Son initiative de « la Ceinture et la Route », impliquant le développement d’infrastructures et d’investissements dans plus de 150 pays, est probablement la stratégie mondiale la plus « expansionniste jamais conçue par un seul État », écrit Simon Tisdall.

Au cours des époques précédentes, la Grande-Bretagne et d’autres puissances impériales utilisaient une puissance militaire supérieure, un contrôle physique du territoire et des tactiques de « diviser pour régner » afin de défendre leurs intérêts nationaux dans le monde entier. La construction de l’empire de Xi Jinping semble être moins « condamnable » car elle est essentiellement de nature économique et financière.

Cependant, sous la direction de XI, la Chine est devenue de plus en plus compétitive sans ses relations avec les autres puissances, principalement les États-Unis. De grandes entreprises chinoises défient avec succès les entreprises américaines et européennes dans des domaines de croissance tels que les télécommunications et l’énergie nucléaire.

Les capacités militaires de la Chine se développent également, notamment celles de la marine chinoise, dont le but évident est de défier le contrôle américain du Pacifique occidental.

« Si Xi arrive à surmonter les obstacles, il se peut que rien ne puisse l’arrêter », conclut Simon Tisdall.

 

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV