Une importante visite à Téhéran: alors que les tensions saoudo-émiraties ont fait d'Aden, une arène de combats inter-coalition, le ministre iranien des Affaires étrangères a reçu, ce dimanche 11 août, à Téhéran, le porte-parole du mouvement d'Ansrallah, Mohammed Abdessalam.
La chaîne de télévision yéménite Al-Masirah qualifie la rencontre de « très positive » puisqu'il y a été question outre des « relations bilatérales » de plus en plus profondes, de « l’issue à la guerre au Yémen » qui entre dans sa cinquième année. Ces allusions à l'issu d'une guerre, l'une des plus complexe du siècle nouveau, interviennent alors que les événements de ces derniers jours à Aden ont été décrits par de nombreux analystes comme étant un plan B destiné à « débloquer » l'impasse dans lequel se trouve désormais l'axe Riyad-Abou Dhabi. Sur le plan militaire, la spectaculaire frappe au drone, le 1er août, contre un défilé militaire à Aden, alors que les mercenaires saoudo- émiratis s'y apprêtaient à gagner le front de combat à Ad Dali' et à Taëz, a prouvé à quel point Ansarallah est proche de son objectif: expulser les occupants saoudiens et émiratis et restituer l'unité et l'intégrité territoriale du grand Yémen.
L'attaque, qui a fait un lourd bilan de 40 morts dont un haut officier pro-émirati, a porté au grand jour de profondes divergences qui déchirent les rangs de la coalition d'agression et a fait « préventivement » capoter l'offensive anti-Ansarallah sur le front Ad Dali'. S'il est vrai qu'une victoire des Émirats à Aden face à l'Arabie saoudite, et partant celle du front séparatiste du sud est propre à faciliter, comme le prévoient certains analystes, un scénario du démembrement au Yémen, il n'est pas sûr par contre qu'Ansarallah y concède.
Lors sa rencontre avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, Abdessalam a précisé que Téhéran et Sanaa étaient d’accord que la solution à la guerre ne pourra être que politique mais qu'une solution politique demandait au préalable à ce que le blocus contre le Yémen soit brisé. Ceci renvoie évidemment à la récente visite d'une délégation émiratie à Téhéran que d'aucuns ont qualifié de « signe de disposition d'Abou Dhabi à se retirer du Yémen ».
« Mais les événements d'Aden appellent à ce que les forces yéménites soient bien vigilantes. Les divergences entre Saoudiens et Émiratis sont profondes et renvoient à leur deux visions totalement différentes. Et pourtant les événements du Yémen pourraient aider Riyad et Abou Dhabi à provoquer par mercenaires interposés la sécession du Sud sans avoir à répondre de ce pour lequel ils ont déclenché la guerre en 2015 à savoir la restitution du pouvoir à Mansour Hadi à titre de président du Yémen uni. La guerre au Yémen pourrait ainsi renvoyer aux efforts saoudo-émiratis de vouloir définitivement s'implanter au Yémen tout en faisant semblant d'un retrait militaire. Ainsi, aussi bien Riyad qu'Abou Dhabi auraient toujours un droit de regard sur le Yémen, estime Sadollah Zarei, expert de la question.
« À Téhéran, Mohammad Javad Zarif a rappelé qu’il était impératif de mettre un terme au plus vite au blocus du Yémen. Il a dit que la République islamique d’Iran soutient toujours les négociations inter-yéménites et l’application complète de l’accord de Stockholm, façon de rappeler aux Émirats et à l'Arabie saoudite la base de tout accord à venir ». ajoute l'analyste.
« Après les récents événements dans le golfe Persique, le missile de moyenne portée tiré par Ansarallah contre l'Est saoudien et les risques d'une extension du conflit qu'encourt Abu Dhabi, ce dernier souhaite sortir de l'impasse. Mais il faut être bien prudent. Ansarallah est loin de se laisser tromper par des manœuvres conjoncturelle. La Résistance yéménite est passé de l’état de patience stratégique à celui de la résistance active, et ce passage a porté ses fruits. Il est hors de question qu'il se laisse berner par l'ennemi ».