À l'heure où le maréchal Haftar commence à connaître ses premières difficultés dans son entreprise de chasse aux Frères musulmans au pouvoir à Tripoli, un diplomate libyen a révélé que la France du président Macron avait l’intention de livrer des armes plus sophistiquées aux pro-Haftar. Il est vrai que les raids menés contre la banlieue de la capitale à l'aide des chasseurs "loués" ne se sont pas avérés trop efficaces. Un diplomate libyen proche du ministère des Affaires étrangères du Gouvernement d’union nationale (GNA) et partant proche de l'Italie a déclaré, lors d’une interview avec Al-Arabi Al-Jadeed, que Paris envisageait de fournir des armes dernier cri aux forces de l’Armée nationale libyenne (ANL). La décision de Paris de livrer de nouvelles armes aux forces de Haftar semble toutefois motivée moins par un quelconque souci de vouloir accélérer la conquête de Tripoli que par un plan plus profond savamment travaillé depuis des mois et ce, de concert avec les Américains et les Israéliens, affirme Hadi Mohammadi.
En effet Khalifa Haftar est soutenu par l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Ssaoudite, la France et le Royaume-Uni tandis que le Gouvernement d’union d’entente nationale du président Fayez al-Serraj (reconnu par l’ONU) est activement appuyé par la Turquie, le Qatar, l’Italie mais aussi et à certains la France qui joue sur les deux tableaux car, dit Paris, la proximité croissante entre Haftar et les forces loyales à l’ancien régime de Kadhafi inquiète l’OTAN. Mais ce n'est peut-être la seule raison de l’ambiguïté française. En effet sur fond de combats qui s'intensifient en territoire libyen, des milices se font et se défont. Les informations font état désormais de la réapparition de Daech au centre libyen, région où l'organisation avait été éliminée en 2017. Il semblerait qu'il y a une réelle volonté de faire monter d'un cran les combats sans pour autant aider l'une ou l'autre partie à gagner, l'objectif étant de faire en sorte qu'il y ait un mouvement de miliciens en direction des pays voisins, constate l'analyste.
Le ministre tunisien de la Défense y revient d'ailleurs dans un récent entretien dénonçant "les armes et munitions transportées par des Européens, dont des Français", qui "ont été saisies à la frontière entre la Libye et la Tunisie". « Un premier groupe, composé de 11 personnes munies de passeports diplomatiques et venant de Libye, a tenté d’entrer en Tunisie par la mer à bord de deux zodiacs. Il a été repéré par l’armée tunisienne et poursuivi jusqu’au large de Djerba (sud-est). Des armes et des munitions ont été saisies », a déclaré à la presse le ministre tunisien de la Défense Abdelkarim Zbidi.
Dans des propos diffusés par plusieurs médias locaux, Abdelkarim Zbidi a par ailleurs déclaré que d'autres armes et munitions avaient été saisies à la frontière terrestre tuniso-libyenne auprès d'un groupe de 13 Français «sous couverture diplomatique» et circulant à bord de six 4X4. D'après les médias locaux, la saisie a eu lieu au poste-frontière de Ras Jédir, principal point de passage entre les deux pays.
À vrai dire, "ces ressortissants français ne sont ni des diplomates ni des touristes mais bel et bien des forces spéciales qui accompagnaient les forces du maréchal Haftar pour son offensive sur Tripoli. Ces officiers se trouvent à Greyan, à 75 kilomètres de la capitale".
L'offensive sur Tripoli semble donc viser autant sinon plus que Tripoli les pays voisins que sont la Tunisie et l'Algérie. "On est là au cœur d'une tentative de déstabilisation qui vise à affecter la Tunisie et l'Algérie, constate l'analyste", selon Hadi Mohammadi.
L’armée algérienne a exécuté, d'ailleurs ce mardi, un exercice à balle réelle près de la frontière avec la Libye, a indiqué un communiqué du ministère de la Défense nationale. Ces manœuvres interviennent dans le contexte de l’attaque lancée par le maréchal Haftar sur la capitale libyenne, Tripoli. L'exercice, portant le nom d'Enadjm Essati'a 2019 (l'Étoile brillante 2019), a eu lieu au niveau du champ de tir du secteur opérationnel nord-est In-Amenas.
«Cet exercice a été exécuté par les unités du Secteur Opérationnel Nord-est In-Amenas, ainsi que par des unités aériennes composées d'aéronefs et d'hélicoptères d'appui-feu, y compris un appareil de reconnaissance aérienne», est-il affirmé dans le communiqué. Selon la même source, le général de corps d'armée Ahmed Gaid Salah, chef d'état-major de l'ANP, qui a assisté à ces séances d'entraînement, inspectera également des unités déployées le long de frontière avec la Libye.
Selon le site d'information Tout sur l'Algérie, ces manœuvres sonnent comme un avertissement adressé par le haut commandement de l'ANP au maréchal libyen. Dans la même optique, le média rappelle que ce dernier avait «rejeté plusieurs appels de la diplomatie algérienne à participer à des discussions avec les autres parties libyennes pour trouver une solution politique à la crise dans ce pays».
Depuis l'attaque terroriste, en janvier 2013, contre le complexe gazier de Tigentourine, dans la région d'In Amenas, par un groupe venu de Libye, l'ANP a renforcé le dispositif sécuritaire à la frontière avec ce pays. Elle a notamment déployé plusieurs unités de combat et augmenté le niveau de surveillance en s'appuyant sur des moyens aéroportés et des drones. Le 5 avril, les troupes du maréchal Haftar ont atteint les banlieues de la capitale et pris le contrôle de l'aéroport international de Tripoli.