Sans la participation effective des Américains, le coup de pouce russe et la large contribution des alliés arabes de Washington, Netanyahu n'aurait pu remporter les élections législatives en Israël. Mais cette victoire est bien approximative puisque fondée sur des promesses intenables et des alliances contre nature.
En effet, ce fameux Deal du siècle sur fond duquel Netanyahu a été réélu souffre d'une faille organique : ni l'Égypte ni la Jordanie, soit deux des parties directement concernées, ne le soutiennent.
Il y a quelques jours, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, se trouvait en visite officielle à Washington où il a rencontré son homologue américain. Or, le Deal du siècle a été le grand absent des discussions Sissi-Trump. Que veut le Deal à l'Égypte ? Confier une partie du Sinaï aux Gazaouis, quitte à préparer la liquidation de Gaza et son annexion à Israël.
Mais al-Sissi en est-il capable ? Non, à moins de prendre le risque de provoquer une nouvelle révolution en Égypte. En effet, le souvenir de Tiran et Sanafir est bien vif dans l'esprit des Égyptiens. Le 12 juin 2017, une commission parlementaire égyptienne a approuvé un accord controversé prévoyant la « rétrocession », par l’Égypte à l'Arabie saoudite, de deux îles stratégiques en mer Rouge, Tiran et Sanafir. Les Égyptiens s'en ressentent lésés, humiliés. Une éventuelle reproduction de cet événement débouchera sur une révolution en Égypte.
Que Sissi ait choisi de ne pas aborder le Deal du siècle au cours du sommet américano-égyptien à Washington, cela témoigne de l'existence de profonds désaccords sur ce sujet entre les États-Unis et l'Égypte.
L’Égypte s’est retirée donc du machin-chose conçu par les États-Unis avec les pétrodollars saoudiens, qui se nomme « OTAN arabe » et dont la vocation consiste à faire la guerre contre l’Iran.
Mais l'Égypte n'est pas la seule partie du Deal à le refuser. Il y a aussi la Jordanie d'Abdallah II. Le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef ben Alaoui accordait, pour la première fois, une interview à un média israélien pour évoquer à mots couverts ce sujet.
« Si ce plan ne prévoit la mise sur pied d’un État palestinien, il n'aura aucun avenir », a-t-il averti.
L'Omanais faisait allusion aux réticences d'Amman et à son opposition à cette dualiste clause du Deal qui prévoit la création d'une enclave palestinienne en Jordanie et l'annexion de la Cisjordanie par Israël. Pour l'heure, Washington attend la composition du cabinet de Netanyahu pour donner le coup d'envoi au Deal.
Effet du Deal du siècle sur le Hezbollah
Ce cabinet de guerre que Tel-Aviv s'apprête à former ne devrait pas pour autant aller trop loin. À moins qu'Israël et son parrain ne veuillent un choc frontal avec la Résistance. Mais cette perspective ne plaît pas forcément à tous les alliés de Washington et d'Israël.
Paris, par exemple, est entré en contact avec Washington aussitôt après que Washington eut menacé de sanctionner le président du Parlement libanais, Nabih Berri. Selon ce rapport, la diplomatie française a exprimé son opposition à l'annonce de toute décision allant dans ce sens, car cela conduirait à rompre les relations avec l'ensemble de la communauté chiite et à couper tous les ponts avec.
Surtout que les Européens travaillent à la mise au point d'un programme pour investir dans le secteur gazier offshore libanais, une fois les problèmes relatifs à la démarcation de la frontière maritime résolus. La magistrale carte « énergétique » libanaise a déjà attiré la Russie, ce qui est loin d'être une bonne nouvelle pour l'axe Israël-USA. Mais cet axe n'en est peut-être pas à sa dernière surprise : à force de vouloir imposer son Deal à l'Égypte et à la Jordanie, ces deux pays pourraient bien changer de camp... Le Caire a déjà quitté l'OTAN arabe et Amman est sur le point de normaliser avec Damas...