Washington a peur d'une action armée syro-russo-iranienne à Idlib d'où l'idée de créer une zone tampon dans le nord. Mais ce n'est pas tout.
Dans une note publiée par le journal Hemayat, Hossein Cheikholeslam a écrit que dès le déclenchement de la guerre en Syrie en 2011, les États-Unis de Barack Obama ont cherché le moindre prétexte pour intervenir militairement dans le pays. Mais la résistance de Damas et de ses soutiens régionaux, notamment la République islamique d’Iran, ont fait attendre Washington près de trois ans avant qu'il ne mène sa première opération militaire en Syrie.
« Après l’occupation de Mossoul en Irak par les terroristes de Daech en 2014, la Maison-Blanche avait trouvé le prétexte qu’elle cherchait depuis longtemps pour créer une soi-disant coalition internationale anti-Daech pour redéployer ses soldats en Irak et les installer ensuite en Syrie », a écrit M. Cheikholeslam.
En décembre 2018, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait de ses troupes de Syrie. Quelques jours plus tard, le Pentagone a commencé à prendre les mesures nécessaires pour ce retrait qui devait être progressif.
Très vite, on a compris que le retrait américain de Syrie ne serait que partiel et que 400 des 2 000 soldats déployés dans ce pays y resteraient. Un groupe de soldats américains sera envoyé au Kurdistan irakien et d’autres retourneront dans les bases militaires aux États-Unis. L'analyste iranien croit que d’après le nouveau plan des États-Unis, ces soldats seraient redéployés en Syrie dans le cadre d’« un plus grand complot ».
« Les États-Unis veulent que leur présence en Syrie soit limitée mais efficace. Pour réaliser ce dessein, ils comptent surtout sur les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS), leurs bases et refuges sûrs et défendables dans le Nord syrien. C’est d’après cette logique que le Pentagone soutient l’idée de la création d’une zone tampon dans le nord de la Syrie, le long de la frontière avec la Turquie », a-t-il expliqué.
En effet, James F. Jeffrey, représentant spécial des États-Unis auprès de la coalition internationale anti-Daech, a déclaré lors de la Conférence sur la sécurité de Munich que la Maison-Blanche ne voulait pas voir l’armée et le gouvernement syriens prendre en main le contrôle du nord et du nord-est du pays. « L’armée syrienne étant incapable de rétablir la sécurité et la stabilité dans le nord, nous avons donc la responsabilité de nous en charger », a-t-il déclaré.
Or, le Leader de la Révolution islamique a mis en garde, la semaine dernière, contre ce nouveau complot des États-Unis, et les autorités russes ont protesté officiellement contre ce plan dangereux de la Maison-Blanche.
Mais pourquoi Washington insiste sur la nécessité de la création d’une zone tampon dans le Nord syrien ? Hossein Cheikholeslam en apporte des éléments de réponse: « Après l’échec du projet du référendum de l’indépendance de la région autonome du Kurdistan irakien en septembre 2017, les États-Unis ont décidé d’étendre leur influence dans le nord de la Syrie dans le but de soutenir leurs alliés kurdes. Ils attendent que les Kurdes d’Irak aient de nouveau la possibilité de relancer leur projet d’indépendance pour pouvoir rallier le nord de la Syrie au nord de l’Irak. Cette idée a été d’ailleurs avancée par les Américains lors de la Conférence de Munich. »
Si les responsables américains qui ont participé à la Conférence de Munich ont parlé de la possibilité d’un ralliement des populations kurdes de Syrie et d’Irak, c’est qu’ils voulaient adresser un message politique clair aux instigateurs du processus d’Astana (Kazakhstan) pour la Syrie, à savoir la République islamique d’Iran, la Turquie et la Russie.
Les autorités américaines se sont particulièrement lésés par les acquis d’Astana qui a aidé le gouvernement légal de Damas à libérer presque tout le territoire syrien à l’exception d’Idlib, dernier bastion des terroristes. Moscou a demandé, à plusieurs reprises, aux États-Unis de rejoindre le processus d’Astana, mais les Américains refusent de l’accepter car ils estiment que ce mécanisme les privera de toute marge de manœuvre politique en Syrie.
L’un des objectifs des États-Unis en voulant créer une zone tampon dans le nord de la Syrie est de dissiper les inquiétudes de Washington quant à l’opération imminente de l’armée syrienne pour libérer le gouvernorat septentrional d’Idlib des mains des terroristes de Hayat Tahrir al-Cham (Front al-Nosra), estime l’analyste politique iranien.
L’auteur croit que même si la Turquie et les États-Unis proposent la création d’une zone tampon dans le nord de la Syrie, leurs objectifs sont tout à fait différents, d’où la possibilité de plus de tensions dans les relations déjà tendues entre Washington et Ankara.
« Le Pentagone a fait savoir que la zone tampon servirait d’un corridor pour que les États-Unis développent leur influence dans l’est de l’Euphrate à l’aide des forces kurdes. Dans le même temps, la Turquie dit qu’elle est prête à attaquer les forces kurdes qui sont déjà présentes dans l’est de l’Euphrate », a-t-il indiqué.
En effet, l’est de l’Euphrate a une importance stratégique et économique de premier plan pour la Maison-Blanche qui veut à tout prix empêcher le contrôle de cette région par l’armée syrienne.
En essayant de contrôler l’est de l’Euphrate à l’aide des forces kurdes, Washington espère pouvoir se servir de cette région comme un levier de pression sur Damas, tout en empêchant la progression de la Résistance et des alliés de l’armée syrienne vers l’est de l’Euphrate. Cerise sur le gâteau: les Américains semblent être incapables de se passer des champs de pétrole dans l’est de l’Euphrate.
En conclusion, Hossein Cheikholeslam estime que la stratégie de Donald Trump consiste à gagner plus en Syrie en y dépensant moins. Il préfère réduire le taux d’engagement direct des militaires américains dans ce pays en les substituant par des acteurs locaux et régionaux. Reste à savoir de quoi seront capables 400 soldats américains et quelques milliers de miliciens par procuration dans une zone tampon qui finira par vite devenir une enclave limitée et fermée de toutes parts.