Ce qui se passe en ce moment même en Pologne est parfaitement inouï. Pour ainsi dire, un paradoxe insolvable : alors que Varsovie entretient avec Téhéran des relations historiques qui remontent à plus d'un siècle, relations marquées entre autres par l'arrivée en Iran de quelque 120 000 Polonais fuyant dans les années 40 du siècle dernier la persécution nazie, et que le pays, même après le retour des sanctions US contre l'Iran, a connu une hausse de 20 % de ses échanges commerciaux avec l'Iran (230 millions de dollars), la ville devrait accueillir une conférence des « Amis de l'Iran ».
Pour ceux et celles qui suivent depuis 2011 la guerre et ses vicissitudes en Syrie, cette manifestation constitue une déclaration de guerre anti-iranienne en soi : la réaction iranienne ne s'est évidemment pas fait attendre. Téhéran a convoqué le chargé d'affaires polonais et la crise politique s'est ouverte entre les deux capitales. Incapable d'expliquer et de s'expliquer ce paradoxe, l'État polonais qui semble attacher une grande importance à ses liens avec l'Iran vient de dépêcher précipitamment son vice-ministre des AE à Téhéran, manière d'éviter une escalade. Peine perdue, l'incompréhension est totale, la colère est croissante. En effet, pour une Europe « anti-système », « anti-libérale », « anti-État profond », dont la Pologne se veut représentante, ce suivisme aveugle envers la Maison-Blanche, et ce, en dépit même des intérêts du peuple polonais est scandaleux.
Toujours est-il que le ministre adjoint des Affaires étrangères polonais Maciej Przemysław Lang est arrivé hier, lundi 21 janvier, à Téhéran à la tête d’une haute délégation et il s’est entretenu avec son homologue iranien Abbas Araqchi, entretiens qu’il a qualifiés de constructifs.
Ce n’est pourtant pas l’avis du ministère iranien des Affaires étrangères, lequel a indiqué, lundi, dans un communiqué que les raisons fournies par Varsovie n’étaient pas convaincantes et que les Polonais devaient être conscients des conséquences de leur décision.
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères pour les affaires politiques a réitéré que la République islamique s’est, toujours, employée pour établir la paix et la sécurité et qu’elle ne permettrait à aucun pays, que ce soit dans la région ou en dehors, de former des coalitions contre ses intérêts.
Le vice-ministre polonais est arrivé, lundi, à Téhéran pour rencontrer son homologue iranien et mettre au clair la décision de son pays d’organiser, en coopération avec les États-Unis, une conférence soi-disant sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient au mois de février à Varsovie.
« L’un des grands problèmes de la région est Israël et ses politiques d’occupation et de répression qui se trouvent, donc, à l’origine de la crise au Moyen-Orient. Tant que le peuple palestinien n’arrivera pas à restaurer ses droits légitimes, la région ne connaîtra pas le calme », a noté le vice-ministre iranien pour souligner : « Le fait qu’une telle question importante n’est pas à l’agenda de cette conférence, témoigne, de la meilleure manière, qu’elle est unilatérale et qu’elle suit d’autres objectifs. »
Et le vice-ministre iranien de poursuivre : « L’autre problème majeur de la région réside dans les politiques aventuristes de l’administration américaine. Alors que les États-Unis entendent détruire le Plan global d’action conjoint, qui est le résultat de la diplomatie et de négociations dans cette région délicate, comment peuvent-ils alors prétendre qu’ils cherchent à résoudre les problèmes de la région ? »
Lors de sa rencontre avec les responsables iraniens, le chargé d’affaires polonais a précisé que la conférence n’était pas anti-Iran et que la position de la Pologne n’était pas celle des responsables américains.
Il a réitéré le soutien ferme de son pays au Plan global d’action conjoint et rappelé que la conférence se porterait sur des mesures censées favoriser l’établissement de la paix et de la sécurité dans la région et qu’elle ne serait contre aucun pays y compris l’Iran.
« La Pologne a la ferme conviction que l’Iran, en tant qu’un des principaux acteurs au Moyen-Orient, joue un rôle efficace dans ses développements. L’objectif de Varsovie d’organiser cette conférence est d’aider la solution des problèmes de la région. La Pologne, en tant qu’ami de l’Iran, ne permettra pas qu’on entreprenne des démarches contre l’Iran », a dit le vice-ministre polonais.
Le spectacle anti-iranien des États-Unis, prévu à Varsovie, a échoué avant même de commencer : le sommet est déjà boycotté par la chef de la diplomatie de l’Union européenne Federica Mogherini, et même la France, dont l’alignement sur les positions de la Maison-Blanche a commencé à susciter des critiques de toutes parts, entend ne pas y envoyer son ministre des Affaires étrangères. L’Allemagne et le Royaume-Uni ne savent pas encore à quel niveau ils seront représentés au sommet de Varsovie et le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères a déclaré qu’il manquerait l’événement en raison d’un calendrier surchargé.
Le quotidien américain The Wall Street Journal a récemment rapporté que tous les efforts de l’administration américaine destinés à rallier les pays européens à sa campagne de pression contre l’Iran avaient tourné au fiasco. Des sources concordantes réaffirment que les membres de l’Union européenne pourraient boycotter le prochain sommet de Varsovie.