À peine 48 heures après l’annonce du retrait des forces spéciales US de Syrie, les Kurdes syriens viennent de lancer un appel. Ils demandent à la France, pays largement impliqué dans la guerre contre l’État syrien depuis 2011, de faire ce que ni la Turquie ni les États-Unis, même au plus fort des combats, n’ont osé faire, à savoir l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne dans le Nord syrien. L’alibi étant évidemment la protection des Kurdes que la France a armés, formés et soutenus depuis 2011 dans l’espoir de pouvoir créer un État kurde dans le nord de la Syrie.
Mais c’était sans compter avec les coups bas de « l’ami » Trump. Il est vrai que le moment est bien choisi par le président américain, qui a démontré depuis le premier jour de son mandat à la tête des États-Unis à quel point il est déterminé à couper les ailes économiquement (sanctions extraterritoriales), politiquement (COP21) et militairement (OTAN) à l’Europe.
La France dit avoir été prise de court par l’annonce du retrait américain de Syrie, qui marque à vrai dire un nouveau désaveu atlantiste à l’adresse de l’Élysée. Rappelons que les quelque 2 000 militaires américains qui opèrent en Syrie se font largement appuyés par les forces militaires françaises aussi bien dans le nord et le nord-est du pays, où les bases françaises offrent formations, armements et encadrement aux Kurdes, qu’à l’est et plus précisément à Deir ez-Zor où Paris couvre, suivant l’ordre US, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ou Daech à l’aide de ses Rafale et de son artillerie lourde.
À Deir ez-Zor justement, les artilleurs français n’ont cessé de tonner tout au long du mois de novembre et de décembre à Hajin pour permettre aux FDS et à Daech de jouer au chat et à la souris et pour assurer le bon rétablissement de la contrebande du pétrole de cette région vers la Turquie et l’Irak. Bref, malgré l’annonce du retrait des troupes US de Syrie, lesquelles n’iront d’ailleurs pas trop loin (en Irak), la France veut y rester et poursuivre ses opérations. Et quel en est le prétexte ? Daech et ses ramifications, qui selon Madame la ministre française des Armées, « risquent de resurgir en Irak et en Syrie ». Eh bien, à moins d’être un lecteur ignare des récits médiatiques mainstream, cette explication a du mal à convaincre. Quasi agonisants à l’est, les terroristes de Daech, dont les principaux chefs ont été évacués à bord des hélicoptères de la « coalition » en Afghanistan et ailleurs, ne demandent que quelques semaines pour être radicalement rayés de la carte par l’armée syrienne et ses alliés de la Résistance appuyés par l’aviation russe.
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La France macroniste devrait donc avoir d’autres visées pour s’obstiner à ce point et camper sur ses positions. Mais la France a-t-elle les moyens de ses ambitions ? En s’obstinant à rester militairement en Syrie, Paris ne pourra faire la sourde oreille à la demande kurde. Accompagnée sans doute par le Royaume-Uni, lui aussi visiblement pris de court par Trump, elle voudra établir une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie. Mais la flotte russe en Méditerranée orientale lui en laissera-t-elle l’occasion ? Rien n’est moins sûr vu que le dernier coup anti-russe du trio Israël/France/Royaume-Uni, le 17 septembre dernier, a tourné au fiasco, avec à la clé la sanctuarisation du ciel syrien par les batteries S-300 et S-400 russes.
Quant à Deir ez-Zor, la « Macronie » sait pertinemment que quelques centaines de forces spéciales ne sauraient tenir le coup face à l’armée syrienne et ses alliés de la Résistance, largement présents de part et d’autre de la frontière Irak/Syrie. Après la prise de Soueida et l’encerclement de la base US à al-Tanf, les Americains l’auront d’ailleurs bien compris, eux qui s’apprêtent à se carapater d’al-Tanf, surtout depuis que l’armée syrienne aurait déployé ses S-300 à T-4.
Certaines sources affirment que les États-Unis auraient même mis fin à leur campagne aérienne en Syrie, renonçant à tout face-à-face S-300/F-35. À la veille d’un nouveau samedi de colère en France, marquée par des manifestations sociales aux couleurs de plus en plus politiques, la Macronie a-t-elle réellement besoin de jouer aux pompiers pyromanes dans l’une des régions les plus névralgiques du monde ?