L’opinion publique algérienne est contre la visite imminente de MBS en Algérie.
Alors que l’héritier du trône saoudien a entamé sa tournée dans plusieurs pays arabes — dont la première étape s’est effectuée aux Émirats arabes unis — les médias algériens ont fait part de sa visite imminente en Algérie, le 6 décembre 2018. Entre-temps, une source proche du ministère algérien des Affaires étrangères avait annoncé mardi dernier que le prince entamerait sa visite officielle de deux jours à Alger ce dimanche 2 décembre.
Selon le journal algérien Al-Balad, ce sera la première fois que Ben Salmane visitera l’Algérie depuis sa désignation en tant que prince héritier.
D’autres médias algériens ont révélé que des entretiens étaient prévus entre le prince héritier saoudien, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, et le Premier ministre, Ahmed Ouyahia.
Selon les résultats de trois sondages d’opinion réalisés par des médias algériens ces six derniers mois, la plupart des Algériens n’ont pas une opinion favorable à l’égard des autorités saoudiennes.
Au seuil de la visite de l’héritier du royaume saoudien en Algérie, le journal à très gros tirage Echorouk a mené un sondage d’opinion à ce propos. Selon le résultat du sondage, 72,2 % d’Algériens s’opposent à la visite de MBS dans leur pays.
Des milieux médiatiques et culturels ont pour leur part exprimé ce dimanche dans un communiqué leur protestation contre la visite du prince héritier saoudien en Algérie.
« Alors que le monde est persuadé que le meurtre du journaliste saoudo-américain Jamal Khashoggi a été commis sur l’ordre de MBS, Alger se prépare à accueillir le prince saoudien », indique le communiqué signé par 17 personnalités des milieux médiatique et culturel. Figurent parmi les signataires le lauréat du prix Goncourt du premier roman 2015, Kamal Daoud, et le scénariste de Chronique des années de Braise pour lequel il a obtenu la Palme d’or du Festival de Cannes 1975. Par ailleurs, le directeur de l’Association des oulémas musulmans algériens, fondée en 1930, a signé le communiqué.
Le texte signale également :
« Jamal Khashoggi a été tué d’une manière cruelle par les sbires du prince héritier saoudien et cela a dévoilé son vrai visage à tout le monde. »
De même, d’anciens candidats aux élections présidentielles algériennes ont haussé le ton contre la visite de Ben Salmane en Algérie et le secrétaire général du Parti travailliste a lui aussi exprimé son opposition à la visite de Ben Salmane en Algérie, la qualifiant de provocation.
Par ailleurs, la presse algérienne fait état des divergences profondes existant entre Alger et Riyad sur divers plans.
Les plus importants différends Riyad/Alger sont les suivants :
1. La prise de position différente des deux pays sur le dossier syrien est l’une des principales divergences de vues Riyad/Alger au cours de ces dernières années. Alors que la guerre syrienne entre dans sa 7e année, l’Algérie continue de reconnaître le gouvernement de Bachar al-Assad. Cela ne plaît bien entendu pas à certains pays arabes, à la tête desquels l’Arabie saoudite. Par ailleurs, les ambassades des deux pays à Damas et à Alger assurent encore leurs fonctions.
2. La baisse du prix du pétrole sur les marchés mondiaux et le rôle joué par l’Arabie saoudite dans l’affaire ont provoqué l’ire des Algériens. Depuis 2014, les prix du pétrole sur les marchés mondiaux ont fortement chuté. Dès lors, les pays exportateurs de pétrole, dont l’Algérie, ont connu de nombreux problèmes. Les revenus pétroliers de l’Algérie s’élevaient jusqu’en 2014 à plus de 60 milliards de dollars. La baisse du prix du pétrole a porté atteinte à l’économie du pays, les revenus ayant baissé de 50 % et atteignant 30 milliards de dollars. Aujourd’hui, les citoyens algériens pointent du doigt Riyad, le considérant comme le responsable de la chute du prix du brut.
3. Suite au lancement de l'agression de la coalition dirigée par Riyad contre le Yémen, l'Algérie a refusé d'y participer, ainsi, après l’Iran, l’Algérie était le deuxième pays musulman et le premier pays arabe à s’opposer à la guerre du Yémen.
4. Par ailleurs, l’Algérie a exprimé son opposition claire à l’adhésion à la prétendue coalition islamique contre le terrorisme, menée par l’Arabie saoudite. Le 15 décembre 2015, le royaume saoudien a fait part de la création d’une telle coalition, regroupant 35 pays musulmans, sous le prétexte de lutter contre le terrorisme. Cependant, l’Algérie a refusé de la rejoindre. Cela a bien entendu provoqué la colère des responsables saoudiens.
5. L’Arabie saoudite a tenté de persuader à de nombreuses reprises différents pays, organes et organisations d’enregistrer le mouvement de la résistance libanais, le Hezbollah, comme une "organisation terroriste", mais certains pays arabes, parmi lesquels l’Algérie, ont dit non à la demande du régime saoudien. Sur le sujet, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz ben Ali al-Sharif, s’est récemment exprimé en ces termes : « L’Algérie considère le Hezbollah comme un mouvement politico-militaire qui joue un rôle important dans l’équilibre du pouvoir à l’intérieur du Liban. Par ailleurs, l’Algérie ne tient pas à intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays et elle considère cela comme l’un des principes importants de sa politique étrangère. »
6. Pour ce qui est de la brouille qataro-saoudienne, l’Algérie a toujours annoncé sa neutralité, appelant les pays concernés à régler leurs différends par le dialogue. L’attitude des autorités algériennes n’a pas plu aux princes saoudiens.