Alors même que les États-Unis d'Amérique sanctionnent le Liban pour être le pays natal du Hezbollah, un Liban constamment soumis aux menaces militaires d'Israël, la France fait un geste bien significatif : Plus de trois milliards de dollars d'aide militaire saoudienne promise il y a des années au Liban, aide que la France devait parrainer, n'est plus, mais Paris vient de livrer à l'armée libanaise des missiles MILAN.
À l’origine, le Liban devait en effet recevoir une aide militaire conséquente grâce à un financement saoudien d’une valeur de 3 milliards de dollars attribué à la France. Il était alors question de livrer aux forces armées libanaises trois patrouilleurs, des véhicules blindés, des missiles MILAN, des hélicoptères et des camions équipés d’un système d’artillerie [CAESAr]. Finalement, seul un lot de missiles MILAN fut livré aux militaires libanais.
Mais pourquoi ce fiasco?
À lire le rapport publié par Opex360, un site militaire français, "Outre les tensions avec la société française chargée de négocier les contrats d’armement avec l’Arabie Saoudite, Riyad décida de doter ses propres forces armées avec les matériels commandés via le contrat DONAS [lequel devint le « SFMC », pour Saudi-French Military Contract]". En effet, étant désormais du camp israélien, l'Arabie de Ben Salmane veut « punir » Beyrouth pour cause de l'appartenance libanaise du Hezbollah qui reste de loin la seule entité arabe à cette heure à avoir vaincu militairement Israël. En effet, la logique française dans cette affaire semble bien contredire celle de Riyad : selon Paris, « limiter l’influence du Hezbollah passerait justement par l’amélioration des capacités des Forces armées libanaises ». Or cet argument ne plait pas du tout à Riyad et encore moins à Israël. Pour Riyad et Tel-Aviv qui ont à faire face aux capacités militaires de la Résistance aussi bien en Syrie qu'au Yémen, les forces de l'armée libanaise et le Hezbollah sont un et indivisible.
La France agit-elle contre la volonté d'Israël?
La lutte contre Daech a bien prouvé le harmonie et la synergie qui caractérisent l'action conjointe et du Hezbollah et de l'armée libanaise. En mars dernier, la France a promis une nouvelle aide militaire de 14 millions d’euros au Liban, choisissant ainsi à se dissocier de la ligne Riyad-Tel-Aviv. Les matériels militaires qui ont été livrés le 27 novembre à l'armée libanaise rentrent dans le cadre de cette promesse.
Ainsi, selon un communiqué de l’ambassade de France au Liban, 10 véhicules de l’avant-blindé [VAB] , 96 missiles antichars Hot et deux systèmes de simulation de tir ont été livrés « aux Forces armées libanaises pour les aider à répondre à leurs besoins en matière de lutte contre le terrorisme armé ». Selon Opex360, « cette nouvelle livraison porte à 25 le nombre de ces VAB remis à l’armée libanaise depuis 2017. Le communiqué de l'ambassade, cité par le site affirme que "ces VAB, accompagnés de munitions et de pièces de rechanges, peuvent tirer des missiles d’une portée de 4.000 mètres, de jour comme de nuit. Ils seront employés principalement à la maintenance des premiers véhicules déjà livrés. 10 autres VAB seront livrés très prochainement".
Outre ce lot d'armements propres aux combats asymétriques, la France compte élargir ses coopérations navales avec le Liban. Vu les riches gisements gaziers que le pays du Cède possède en Méditerranée, il est bien difficile de croire que ce genre de coopération échapperait aux Israéliens. Comme le confirme Opex360, l'aide militaire française à l'armée libanaise a également un volet naval. « Des échanges réguliers se tiennent entre l’état-major de la marine libanaise et les autorités navales françaises, pour apporter le soutien de la France dans l’expression des besoins libanais. Nous sommes donc partie prenante dans cette montée en puissance de la marine libanaise. Viendra ensuite le temps de la mise en œuvre de la commande et de la formation des équipages, grâce à des escales de bateaux et à des entreprises comme DCI. Deux officiers libanais devraient embarquer au titre de la mission Jeanne d’Arc », affirme le site.
La France défie-t-elle le camp Riyad/Tel-Aviv au Liban?
Le 26 octobre 2018, une délégation parlementaire française représentant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, a rencontré à Beyrouth des membres du parlement libanais. Selon un communiqué publié ultérieurement par les députés libanais, au cours de la rencontre, les parties ont abordé plusieurs questions politiques et sécuritaires, notamment celle de l’exploitation pétrolière et gazière en mer dans les eaux territoriales libanaises. Selon le député du Hezbollah Al-Moussawi qui assistait à cette rencontre "les deux chambres du parlement français sont intéressées à soutenir le gouvernement français et la compagnie pétrolière Total [qui ont signé en février 2018 deux Contrats d’exploration et de production avec le gouvernement libanais en dépit des pressions exercées par Israël pour les inciter à retirer leur engagement vis-à-vis du Liban, ou pour repousser la date des explorations pétrolière et gazière".
La visite de la délégation française au Liban a été largement répercutée par la presse israélienne comme étant porteuse d'un message de menace contre le Hezbollah et l'axe de la Résistance, les évolutions sur le terrain montrent visiblement le contraire, estiment les analystes.