L’affaire Khashoggi a provoqué une onde de choc qui n’a pas encore fait sentir tous ses effets, elle menace non seulement les ambitions du prince héritier mais aussi l’avenir de son pouvoir.
Le séisme qu’a provoqué l’assassinat du journaliste dissident saoudien dans le consulat de l’ambassade de Riyad à Istanbul n’a pas encore fini ses répliques. Les alliés traditionnels de l’Arabie saoudite continuent à maintenir un soutien de façade à Riyad, or l’avenir de Mohammed ben Salmane, fortement soupçonné d’être impliqué dans le meurtre, s’écrit en pointillé, a écrit Yves Bourdillon dans le journal français Les Échos.
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Pour Bourdillon, Mohammed ben Salmane est devenu un paria auprès de ceux-là mêmes qui se battaient pour être pris en selfie avec lui il y a peu, en vantant sa vision et ses réformes.
À l’instar de Ben Salmane, les relations du numéro un mondial du pétrole et gardien des lieux saints de l’islam au poids géostratégique considérable, n’ont guère échappé aux ricochets, a noté Bourdillon en évoquant le sénateur américain Lindsey Graham, pourtant un proche de Trump, qui avait qualifié Ben Salmane d’« engin de destruction », ou encore Nabil Mouline, chercheur français au CNRS, qui avait prédit que le roi Salmane recevrait probablement des messages lui disant de se débarrasser de son fils, jugeant que « les Occidentaux ont fait le maximum pour maintenir le statu quo mais commencent à se rendre compte que MBS est en fait un fardeau ».
L’affaire révèle aussi la dangereuse concentration des pouvoirs entre les mains du prince à l’issue de son ascension éclair : ministre de la Défense, vice-Premier ministre, président du conseil d’Aramco, le géant pétrolier national. Il s’agit d’un pouvoir vertical se substituant à la distribution horizontale en vigueur au sein d’un régime fonctionnant depuis des décennies sur le consensus et les équilibres entre clans royaux, a expliqué le journaliste.
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Yves Bourdillon conclut en demandant s’il est envisageable que le roi lui adjoigne un prince héritier « bis » pour rééquilibrer son pouvoir. Il est peu probable qu’il l’accepte, répond-il. D’autant plus que MBS a placé ses hommes aux postes clefs des services de sécurité et brisé le commandement de la Garde nationale. Le roi a d’ailleurs signifié son soutien à son fils en lui confiant la mission de réformer le renseignement après l’affaire Khashoggi. Reste l’hypothèse d’un coup d’État, comme celui du conseil de famille ayant destitué le roi en 1964, ou un accident. Une étrange fusillade avait retenti près du palais de MBS en avril dernier.