C’est avec un coup de poignard empoisonné dans le dos des Turcs que les États-Unis ont répondu à leurs services, écrit le journal arabophone Rai al-Youm.
« La guerre économique lancée ces jours-ci par les États-Unis de Trump contre la Turquie, qui a abouti à la dépréciation de la livre turque, ne serait pas moins dangereuse que le putsch militaire qui, il y a deux ans, a failli renverser le gouvernement d’Erdogan », écrit Rai al-Youm dans un récent éditorial signé Abdel Bari Atwan.
Les récentes déclarations du président turc, Recep Tayyip Erdogan, montrent qu’il est choqué de découvrir la façon dont son homologue américain interagit avec la Turquie, proche et historique allié des États-Unis ayant adhéré en 1952 à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en tant que co-fondateur. « On est des alliés au sein de l’OTAN et pourtant, vous essayez de nous porter un coup de poignard dans le dos. Quel nouveau et surprenant événement est en train de se produire ? », a affirmé le président turc à l’adresse de son homologue américain.
D’après le journaliste arabe, « ce grand étonnement montre que M. Erdogan a une perception incorrecte des États-Unis et surtout des États-Unis de Trump. Cela montre également qu’Erdogan a trop fait confiance aux États-Unis et qu’il a eu tort de voir en eux un ami. Pourtant, les États-Unis de Trump ont déjà porté un coup de poignard dans le dos d’alliés plus importants que la Turquie, dont l’Allemagne, la France, le Canada, le Mexique, voire l’Alliance nord-atlantique elle-même. Trump a imposé des tarifs estimés à des centaines de milliards de dollars sur les exportations chinoises à destination des États-Unis et est sorti unilatéralement de l’accord nucléaire avec l’Iran. Les États-Unis ont attaqué un pays souverain comme l’Irak, l’ont occupé et ont tué trois millions de ses habitants ».
Dans l’optique d’Abdel Bari Atwan, ce qu’Erdogan et beaucoup de ses homologues arabes semblent ignorer, c’est que les États-Unis ne veulent pas vraiment d’alliés !
« Ils veulent juste des pays soumis qui obéissent sans la moindre objection à leurs desiderata. Quand on voit les États-Unis parler d’alliés avec qui ils prétendent interagir, il s’agit toujours d’alliés dix fois moins importants que l’Amérique. Cela n’a rien à voir avec le statut d’égal à égal que les alliés des États-Unis s’imaginent avoir dans leurs interactions avec le gouvernement américain. Le fait que le président turc se plaigne de l’irrespect des États-Unis envers d’anciens amis et alliés montre qu’il ne connaît pas l’Amérique et les modes de fonctionnement des institutions américaines, notamment lorsque le soi-disant allié est un pays arabe ou musulman. »
Par la suite, Atwan fait allusion aux déclarations d’Erdogan disant que « les Américains ont le dollar ; nous, nous avons notre peuple et Dieu ». Oui, Dieu les soutiendra, mais le président Erdogan aurait aussi besoin, d’après le journaliste arabe, de franchir des pas concrets afin d’écarter cette crise.
« La Turquie aurait aussi besoin que ses alliés du golfe Persique, surtout le Qatar, dépensent des sommes gigantesques pour acheter des livres turques et investir dans d’autres secteurs financiers. Mais ces pays seraient-ils capables de défier Trump et son gouvernement en prenant parti pour leur ami turc ? », ajoute Atwan.
Erdogan a affirmé que la Turquie chercherait de nouveaux amis, si les États-Unis continuaient de ne pas respecter leurs anciens amis, rappelle Atwan. « Mais où sont ces amis et de combien de temps la Turquie d’Erdogan aurait-elle besoin pour se faire de nouveaux amis et alliés ? En plus, leur réponse à l’appel d’amitié d’Erdogan sera-t-elle forcément positive ? D’autant que la plupart d’entre eux sont aux prises avec des sanctions américaines », écrit également l’éditorialiste du journal Rai al-Youm.