Le célèbre analyste du monde arabe et rédacteur en chef du quotidien Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan s’est penché, dans un article, sur les récentes évolutions syriennes notamment sur la situation à Idlib.
La Turquie se trouve actuellement dans une impasse dangereuse à Idlib. Elle devra faire face à une offensive syrienne ou russe d'envergure visant à la chasser de cette province, ce qui risque de lui faire perdre aussi son allié russe. Cette perspective est-elle plausible? Selon Atwan, une telle option est exclue. Mais il y a par ailleurs un autre risque pour Ankara: au cas où cette offensive a lieu, la Turquie devra ouvrir ses frontières aux 3 millions de personnes qui souhaiteraient fuir cette région. Il s'agit pour la plupart des familles des « terroristes » qui se sont installés à Idlib, mais qui sont originaires des zones de conflit à Alep, à Homs, ou encore de la Ghouta orientale.
« Les déclarations qu’ont faites jeudi 2 août les deux autorités russes laissent présager ce qui pourraient se produire à Idlib sur les plans politique et militaire dans les semaines à venir. En effet, le général Sergei Rudskoï, un des hauts commandants de l’état-major de l’armée russe a affirmé que les troupes syriennes avaient tué tous les éléments du groupe terroriste Daech et de Hayat Tahrir al-Sham (ancien Front al-Nosra) dans le sud de la Syrie et libéré 3.332 km², ainsi que 146 cités et toute la frontière avec la Jordanie, tous les points de passage et les trois provinces de Deraa, de Quneitra et Soueïda.
Un second point à retenir serait les propos du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a précisé que la prochaine opération de l’armée russe et syrienne consiste à nettoyer le reste de la ville d’Idlib dans le nord-ouest de la Syrie de la présence des terroristes.
Le président syrien Assad a été d'ailleurs très claire là-dessus lors de sa rencontre, la semaine dernière, avec une délégation russe en visite à Damas. Il a déclaré que « notre objectif est actuellement Idlib, malgré qu'il y ait aussi d'autre priorités ».
En effet, la stratégie syrienne à Idlib est celle pour laquelle a opté l’armée syrienne depuis le début de la guerre et qui s’appuie sur la patience puis sur une coordination parfaite avec les deux alliés russe et iranien. C'est une stratégie qui a porté ses fruits et qui a permis la récupération des frontières et des points de passage frontaliers à l’est, à l’ouest au nord et au sud du pays. À ceci s'ajoute, la reprise des frontières avec la Jordanie et l’Irak, travail qui est quasiment terminé, et il ne reste que la récupération de la frontière avec la Turquie. C'est cette frontière qui sert de passoire depuis 2011 à l'infiltration des milliers de terroristes et des milliards de dollars d’armes lourdes et légères.
Certains analystes sont d’avis que la bataille d’Idlib pourrait être reportée en raison de son coût exorbitant aussi bien sur le plan politique que sur le plan militaire, et ce, en raison de la présence de la Turquie. C'est la Turquie qui coiffe en effet une zone de désescalade à Idlib dans le cadre d'un accord qu'elle a conclue avec Damas, Téhéran, Moscou et Ankara. Les hautes sphères du pouvoir politique et militaire en Turquie ne cherchent pas non plus une confrontation avec Assad ou la Russie. Elles pensent surtout à une "pacification" à l'alepine.
Les 3 provinces du sud de la Syrie, qui viennent d'être libérées par l’armée syrienne, faisaient partie en effet de l’accord sur les zones de désescalade et en dépit des menaces d'Israël, l’armée syrienne a lancé son offensive et a réussi à reprendre le contrôle de ces provinces.
A Idlib, un nouveau front appelé « Front national de libération » vient d'être créé sous la supervision du renseignement turc, un groupe né de la fusion de 5 autres groupes dont Ahrar al-Cham, Noureddine Zanki et Jaïch al-Islam, avec comme objectif, d’attaquer Hayat Tahrir al-Cham dirigé par Abou Mohamed al-Julani lequel contrôle 60 % de la province d’Idlib. Il est fort possible que la Russie soit impliquée dans ce coup et ce pour éviter que l'armée syrienne ait à intervenir pour supprimer al-Joulani. Ceci dit, la Turquie se trouve dans une situation fort délicate. Pour la simple et bonne raison, qu’Ankara ne peut pas se permettre de se mettre à dos son propre allié, qui est la Russie. Elle ne peut pas non plus permettre à l’armée syrienne d'intervenir contre les terroristes qu'Ankara soutient à Idlib.
La meilleur façon serait peut-être de favoriser des auto-élimination des terroristes: Les informations parvenues en provenance d’Idlib font état du début des opérations d’assassinat et de règlement de compte. Les hauts commandants du Front al-Nosra, comme Abou al-Missri, commandant militaire, Abou al-Bara al-Hamoudi, juge religieux et Abou Hama al-Lazaqi, commandant opérationnel ont été déjà assassinés. Et maintenant, on s’attend à ce que ces assassinats se poursuivent après un refus d’Abou Mohamed al-Julani de céder à la pression turque laquelle exige la dissolution de Hayat Tahrir al-Cham.
Idlib se distingue d'autres régions syriennes: c’est qu’il n’existe aucun autre endroit où les terroristes puissent aller. C'est la fin de l'aventure. Les terroristes ont donc le choix entre deux options : se battre jusqu’à la mort ou bien traverser la frontière fermée de la Turquie et s’exposer aux balles des gardes-frontières turques. Dans les deux cas, c’est la mort qui est au rendez-vous.
Le hic, dans cette affaire, c’est qu’il est hors de question pour le président turc, Recep Tayyip Erdogan, de laisser passer les 3 millions de réfugiés sur son territoire, car il ne veut plus un seul réfugié syrien en Turquie et il souhaite se débarrasser de 3,5 millions de déplacés en les renvoyant en Syrie. C’est pourquoi Erdogan insiste pour pouvoir liquider ses "anciens alliés" par une nouvelle milice. Cette milice aux allures "nationalistes" et formée sous l'auspice de MIT, est conduite par le général Fadlallah al-Haji. Ainsi, Assad vent-il de vaincre son dernier adversaire et de loin le plus farouche en la personne d'Erdogan.