Alors que les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne disent, au moins en apparence, vouloir protéger les intérêts stratégiques et économiques du bloc en Iran et ce, en riposte au retrait des États-Unis de l’accord nucléaire, la Pologne, elle, a déclaré qu’elle s’opposerait à toute action qui violerait les sanctions américaines contre l’Iran. En cheval de Troie US, Varsovie s'apprête donc à bloquer tout mécanisme de résilience européen contre les Etats-Unis. En Iran, la décision polonaise est perçue comme un acte d'auto-mutilation, la Pologne procédant pas plus lard qu'au mois d'avril à l'achat de 13.000 tonnes de pétrole iranien.
L’Union européenne cherche à protéger les intérêts stratégiques et économiques du bloc en Iran à la suite du retrait américain de l’accord nucléaire international, avait souligné lundi 28 mai Federica Mogherini, la chef de la politique étrangère de l’UE citée par AP, tout en affirmant que l’unité des "États membres reste incontestable".
« Pour nous, il ne s’agit pas d’un intérêt économique, mais il s’agit d’une question de sécurité », avait-elle insisté.
Pour autant, la Pologne, qui était jusqu'ici, au moins dans le dossier iranien contre la politique hostile des USA, a cette fois-ci retourné sa veste et, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jacek Czaputowicz, a déclaré que la Pologne s’opposerait à toute action de l’UE qui affaiblirait les sanctions américaines.
"Le gouvernement polonais, toutefois taxé d'ultra-conservatisme par ses paires européens aurait dû faire preuve à davantage de résistance face aux Américains, rien que par son respect pour les principes de souverainisme et l'attachement dont il manifeste envers les intérêts nationaux polonais, a estimé de son côté, l'expert iranien, Hadi Mohamadi.
La prise de position anti-iranienne de Varsovie est d'autant plus paradoxale que Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais a tenu à qualifier le gazoduc russe, Nord Stream 2 de « nouvelle arme hybride » et de « pilule empoisonnée de la sécurité européenne ». Lors d’une réunion de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à Varsovie lundi 28 mai, Il a accusé la Russie de vouloir utiliser cette " arme hybride" pour saper l’OTAN et l’Union européenne.
Le projet Nord Stream 2 permettrait de doubler la quantité de gaz naturels que la Russie peut directement acheminer vers l’Allemagne à partir des nouvelles réserves exploitées en Sibérie.
Les États-Unis et d’autres membres de l’UE partagent l’opposition de la Pologne au projet, prétextant qu’il pourrait donner à Moscou un plus grand effet de levier sur l’Europe occidentale. Dans ce contexte, il faudrait donc que ces Etats cherchent des sources alternatives et le gaz et le pétrole iranien en font partie.
« La livraison depuis l’Iran est devenue un fait: le pétrole du Moyen-Orient nous offre de nombreuses opportunités; tout d’abord, il permet de diversifier les directions de livraison et augmente la sécurité énergétique de l’État », avait annoncé au mois d'avril la raffinerie polonaise PKN dans un communiqué.
«La nouvelle politique polonaise de connotation anti-iranienne renvoie à un paradoxe : comment peut-on être antilibéral, souverainiste et puis marcher sur les pas des Américains. Après tout la haine de la Russie ne devrait pas pousser Varsovie à se tirer une balle dans le pied, ajoute l'expert iranien Mohamad.
Lors de la réunion de l'Otan, le président polonais Andrzej Duda a mis en garde contre les intentions russes en Europe de l’Est en disant que Moscou n’a jamais tiré la leçon de l’effondrement de l’Union soviétique. L’invasion de la Géorgie et l’annexion illégale de la Crimée et l’intervention militaire en Ukraine illustrent les véritables intentions de la Russie
Le président russe Vladimir Poutine a de son côté suggéré que l’opposition américaine (et partant polonaise, NDLR) au Nord Stream 2 provient du désir du président Donald Trump d’encourager les exportations de gaz naturel liquide des États-Unis, qui sont fournis par bateau et donc considérablement plus chers que les fournitures russes.