Vendredi 18 mai, l'émissaire du président Poutine, Alexandre Lavrantiev, a annoncé que toutes les forces étrangères, à savoir les Turcs, les Américains, mais aussi "le Hezbollah et les conseillers iraniens" devraient quitter la Syrie. Ces propos renvoyaient en effet à ceux tenus la veille par le président russe lors d'une rencontre à Sotchi avec son homologue syrien, Bachar Assad. Samedi, les sources proches de la présidence syrienne ont affirmé que ces propos ne concernaient ni l'Iran ni le Hezbollah, tous deux présents en Syrie à la demande expresse de Damas.
Mais les propos du Président russe sont-ils destinés à sonner le glas de l'alliance Iran/Russie en Syrie? Pas si sûr : s'il est vrai que la Russie est inquiète d'une possible confrontation militaire israélo-iranienne en Syrie, et partant de l'ouverture d'un nouveau front de combat, elle est bien consciente que les visées américaines dépassent la seule Syrie et que le grand déploiement de troupes US et de l'Otan en Méditerranée ou encore aux portes de l'Europe mérite que la Russie consolide tant que faire se peut, ses bases arrière dans la région. Mais à quoi rime la polyphonie constatée dans les milieux politiques à Moscou sur le retrait des forces militaire étrangères de Syrie?
Pour d’aucuns, Poutine aurait surtout fait allusion aux Américains dont la présence a été dénoncée à plusieurs reprise par les responsables russes comme étant illégitime puisque sans mandat de Damas et dont les forces multiplient les agissements aussi bien à Deir ez-Zor dans l'est, qu'à Hassaké dans le nord est. Et pourtant, l’envoyé spécial du président russe pour la Syrie Alexandre Lavrentiev a été très clair : Le jour même de la rencontre Assad-Poutine, il a affirmé, lors d’une conférence de presse à Sotchi, que toutes les forces militaires étrangères, à part celles de la Russie, devraient se retirer de la Syrie après la défaite de Daech.
« La conversation porte sur toutes les unités militaires étrangères en Syrie, y compris les Américains, les Turcs, le Hezbollah et bien sûr les Iraniens », a-t-il déclaré Lavrentiev cité par Sputnik, rappelant que ce retrait n’incluerait pas la Russie qui possède deux bases permanentes en Syrie.
A peine quelques heures après l'annonce de Lavrentiev, le porte-parole du Kremlin a tenu à apporter des précisions : Dimitri Peskov a annoncé que les forces militaires étrangères qui se sont déployées, "illégalement", sur le territoire syrien devaient quitter le pays. "Ce n’est pas, certes, le cas ni des militaires iraniens ni ceux de la Russie dans la mesure où le gouvernement syrien avait demandé, lui-même, la contribution de l’Iran et de la Russie à son combat contre les terroristes".
#Damas s'engage à défendre les positions des forces iranienneshttps://t.co/CGrOlgSA4N pic.twitter.com/EXvFPbWNVW
— Press TV Français (@PresstvFr) May 20, 2018
Pourquoi cette polyphonie?
"Cette polyphonie, estime Hadi Mohamadi, serait destinée à créer de l'ambiguïté".
"Cette ambiguïté permettrait aux Russes de s'offrir une plus grande marge de manœuvre et de pousser les différentes parties, y compris l'Iran à jeter du leste. Cette hypothèse souffre toutefois de sérieuses restrictions. La Russie a payé le prix fort de sa confiance envers les occidentaux et il serait bien étrange qu'un président comme Poutine refasse l'erreur qui a conduit à l'effondrement de l'URSS après la chute du mur de Berlin. A l'époque, la Russie a perdu ses alliés les uns après les autres et s’est vue heurtée au maximalisme sans borne et de l'Europe et des Etats-Unis. Cela coûtera trop cher au président Poutine de laisser tomber des alliés stratégiques tels que l'Iran, allié qui ont bien prouvé de quelle bois ils sont faits, en temps de guerre aussi bien qu'en temps de paix. Après tout ce qui se joue en Syrie ne concerne pas unique ce pays. L'enjeu dépasse la Méditerranée et touche même l'Europe où les Américains semblent vouloir tout faire pour provoquer une guerre contre la Russie par Otan interposée, ajoute l'expert.