Aucun président américain n’avait osé franchir le pas, mais Trump l’a fait. En déclarant la ville de Qods « capitale d’Israël », Trump a défié le monde musulman comme personne d’autre ne l’avait fait auparavant. Il a apposé son blanc-seing à plus de 60 ans d’occupation, de crimes et de destruction. Mais a-t-il réellement rendu service à « l’allié sioniste » ? Dans les minutes suivant l’annonce, Netanyahu l’a qualifiée de « décision historique », laissant éclater sa joie sous les caméras du monde entier. Mais en Israël, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. L’annonce de Trump est une arme à double tranchant.
Il y a d’abord la crainte d’une colère musulmane qui risque de tomber sur Israël et dont les prémices sont d'ores et déjà bien visibles vu les condamnations en cascade, les manifs à la chaîne qui à partir de ce jeudi iront envahir les rues arabes et musulmanes ; depuis l’apparition de Daech, jamais le monde islamique n’avait connu une si grande unité, ce qui n’est sans doute pas du goût de Tel-Aviv, qui surfant sur la vague du terrorisme takfiriste, s’était offert un périmètre de sécurité, allant même jusqu’à prévoir de normaliser ses rapports avec « le monde arabe ». Or tout pro-sioniste qui soit, même l’Arabie de Ben Salmane n’oserait plus désormais afficher son tropisme israélien en public. Retour donc à la case départ pour Israël qui voit ses plans tombés à l’eau les uns après les autres.
Car Trump ne le sait peut-être pas, mais les Israéliens le savent : l’entité sioniste partage de longues frontières avec ses voisins arabes, plus de 360 kilomètres avec la Jordanie ; plus de 212 kilomètres avec l’Égypte, près de 79 kilomètres avec la Syrie et près de 70 kilomètres avec le Liban. Si les deux derniers pays font partie intégrante de l’axe de la Résistance avec tout ce qu’on leur connaît en termes de volonté de combattre le régime génocidaire d’Israël, la Jordanie et l’Égypte, elles, ont fait « la paix » avec Israël : or Trump vient de fragiliser cette « paix » que ni les Égyptiens ni les Jordaniens n’ont jamais vraiment acceptée. Amman et Le Caire n’ont cessé de mettre en garde Trump contre toute annonce incendiaire au sujet de Qods, mais l’homme n’en a pas tenu compte, ouvrant à dessin les portes de l’enfer sur Israël.
Et puis que dire du front « intérieur » israélien : l’officialisation du soutien US à l’occupation de Qods ne laissera pas de marbre les 4 millions de Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ni les 1,3 million de Palestiniens vivant dans les territoires occupés. À Bethléem, les manifs ont déjà éclaté avant l’annonce de Trump. Une chose est sûre : le rapport démographique se penche nettement du côté des Palestiniens en cas de « guerre civile » en Israël ou d’« une nouvelle Intifada » sur l’ensemble du territoire occupé. Ainsi le président US a fait à Netanyahu un cadeau bien empoisonné : alors que le personnage est politiquement au point mort, assailli de toute part par des accusations de tout genre, une « nouvelle flambée de violence » n’est certes pas la bienvenue même s’il veut faire croire le contraire.
Pris de panique, l’entourage de Netanyahu balance des complices : le ministre israélien du Renseignement Ysrael Katz a ainsi affirmé les régimes arabes qui se trouvent derrière la décision de Trump… Riyad et Cie, façon d’édulcorer la colère musulmane. Mais à ce qu’il paraît, c’est déjà trop tard.