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Afghanistan: Chabahar, un projet iranien pour contrer l'Amérique

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Vue de Chabahar, dans la province iranienne du Sistan-et-Balouchistan. ©Flickr

The Middle East Eye évoque dans un récent article l'un des aspects de ce qu'il qualifie de " hard power" iranien.

" Le port iranien de Chabahar aidera Téhéran à rééquilibrer ses relations avec l’Inde et le Pakistan et a le potentiel de transformer les eaux situées au nord de l’océan Indien en une « sphère d’influence » pour la marine iranienne.

L’Iran fait généralement les gros titres pour ses activités dans le golfe Persique et le Levant, de l’Irak au Liban en passant par la Syrie. La plupart du temps, les responsables et observateurs de la région évoquent l’« axe de la résistance » pour faire état de la vaste influence de Téhéran au Moyen-Orient.

Toutefois, le golfe d’Oman, la mer d’Arabie et aussi l’Asie du Sud, sont le théâtre d’une autre rivalité décisive, quoique peu signalée, impliquant la République islamique d’Iran.

Le projet du développement du port iranien de Chabahar (situé dans la province du Sistan-et-Baloutchistan), projet financé par l’Inde devrait commencer à être opérationnel aux alentours de l’année prochaine (2018), ouvrant ainsi une nouvelle voie de transit pour les marchandises en provenance d’Afghanistan et d’Asie centrale.

Ce projet est un défi majeur lancé à la Chine qui travaille au développe de Gadar, le port pakistanais situé à moins de 100 kilomètres de Chabahar dans une région où l’équilibre des forces est fort volatil. Quoiqu'il en soit, la concomitance des deux projets, celui de Chabahar et de Gwadar implique pour la première fois Téhéran dans une zone où opèrent les acteurs sud-asiatiques.

L’Inde travaille depuis longtemps au port de Chabahar. Lors de sa première visite officielle à Téhéran en mai 2016, le Premier ministre indien Narendra Modi a signé un accord de transit impliquant l’Iran et l’Afghanistan en vue de transformer Chabahar en un centre de transit, et a promis 500 millions de dollars pour le développer. L’accord permettra à ces trois pays que sont l'Iran, l'Inde et le Pakistan de contourner leur rival pakistanais et d’obtenir un accès pratique et fiable au sous-continent et à l’océan Indien.

Cela est particulièrement important pour l’Afghanistan qui n’a pas d’accès à la mer, et se trouve donc à la merci d’Islamabad qui fait des efforts pour maintenir une position dominante dans ce pays déchiré par la guerre en entretenant des groupes de milices qui partagent son idéologie. À moins de 100 kilomètres par voie maritime du port de Gwadar, Chabahar offrira également à l’Inde une route alternative vers les marchés d’Asie centrale, de Russie et d’Europe, compromettant ce que Delhi perçoit comme les tentatives d’« encerclement » de la Chine et du Pakistan.

« L’accord peut changer le cours de l’histoire dans cette région », a d'ailleurs déclaré Modi lors de sa visite, qu’il a qualifiée de « nouveau chapitre dans le partenariat stratégique irano-indien».

Le levier de rééquilibrage de l’Iran

Ce qui rend le port de Chabahar important pour l’Iran sur le plan stratégique, c’est son potentiel à aider Téhéran à équilibrer ses relations vis-à-vis des deux rivaux nucléaires d’Asie du Sud, l’Inde et le Pakistan.

Maintenant, avec Chabahar, l’Iran s’apprête à se doter d’un outil de « hard power » qui lui permettra d’influencer l’Inde et le Pakistan et éviter à Téhéran une trop grosse divergence d'intérêt avec ces deux pays.

La guerre en Afghanistan

Le port de Chabahar et l’accès qu’il offre à l’Afghanistan grâce au projet ferroviaire de Zahedan, d’une valeur de 1,6 milliard de dollars, promettent également de renforcer le poids de l’Iran sur la scène afghane.

Ceci est d’une importance capitale à un moment où divers acteurs régionaux, de l’Inde à la Russie, en passant par les Etats-Unis s’efforcent d’influencer la dynamique de la guerre dans ce pays sud-asiatique et que les .

À cet égard, l’Iran s’est fixé deux objectifs majeurs au cours de la dernière décennie : saper la viabilité de la présence militaire américaine en Afghanistan d’une part, et y contenir une influence pakistanaise croissante de l’autre.

À cet effet, le port de Chabahar, dans le golfe d’Oman, et sa connexion ferroviaire prévue avec Zahedan – centre de la province du Sistan-et-Baloutchistan iranien et tout proche tant de l’Afghanistan que du Pakistan – peuvent s’avérer décisifs. En effet, ceux-ci sont susceptibles de renforcer la coopération militaire entre Téhéran et Delhi.

Profondeur stratégique dans le golfe Persique

Enfin, le port de Chabahar donnera également à l’Iran une plus grande marge de manœuvre dans le golfe Persique et le détroit d’Hormuz, où des incidents se sont produits entre le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) et les Américains.

Accroître la présence navale de l’Iran dans le golfe et dans la mer d’Oman peut fournir un lien vital et opérationnel et servir de source fiable d’assistance logistique aux forces des CGRI qui opèrent dans le golfe Persique, augmentant la profondeur stratégique de l’Iran dans cette région cruciale.

Le port de Chabahar est la porte d'entrée de l'Iran en Asie centrale dont les pays ne pourront plus s'en dépasser, une fois le port devenu opérationnel. Mais ce n'est pas tout; Chabahar a le potentiel de transformer les eaux situées au nord de l’océan Indien en une « sphère d’influence » maritime pour l'Iran, influence que ce grand pays n'a pas jusqu'à présent". 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV