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La visite du roi Salmane et ses objectifs

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le roi saoudien Salmane ben Abdelaziz (G) est accueilli par le prince héritier d'Abu Dhabi, Mohammed ben Zayed Al Nahyan, à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, le 3 décembre 2016. ©REUTERS

Le roi saoudien est parti en tournée régionale pour renforcer le front anti-iranien alors que Riyad a du mal à rallier ses alliés à sa cause. En commentant cette tournée, la presse régionale évoque une « escalade des menaces militaires de l’Iran ». Mais l'argument ne convainc pas. 

Aux Emirats, première étape de sa tournée, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, a pris part aux cérémonies du 45ème anniversaire de la Journée nationale des Emirats arabes unis. Cette première étape a été loin d'être un succès dans la mesure où les deux "Frères ennemis" disputent le contrôle du sud du Yémen et surtout le port d'Aden. Abou Dhabi a été lâché par Riyad qui ne tolère pas les velléités émiraties visant le détroit de Bab el-Mandeb. Depuis plusieurs mois déjà les deux parties se livrent à des règlements de compte à Aden, traduits dans les faits par des attentats à la bombe, des assassinats d'officiers...

Le président égyptien, Abdel Fateh al Sissi (Archives)

Parmi les objectifs annoncés de la tournée royale, figure de même l’essor des relations de Riyad avec ses partenaires régionaux dans le cadre d’un plan économique baptisé « La vision 2030 de l’Arabie saoudite ». Outre les critiques qui remettent en doute la faisabilité de ce plan destiné à rendre l'Arabie saoudite moins dépendante du pétrole, les analystes ne cessent de souligner le retentissant recule saoudien à l'Opep où l'Arabie saoudite a accepté de réduire sa production alors que l'Iran, lui, préserve son plafond.

 La presse saoudienne qui célèbre en ce moment « la formation d’une alliance politique et militaire contre l’Iran » à travers cette visite, omet aussi de rapporter l'incident égypto-saoudien qui a dominé l'étape émiratie de la tournée royale. Le président Sissi a en effet quitté les Emirats sans avoir rencontré au préalable le Roi. Les sources bien informée parlent déjà des "sanctions saoudiennes " qui vont tomber mais qui curieusement ne font plus peur à l'homme fort du Caire. 

C'est dans ce contexte plutôt fragile que le quotidien saoudien Okaz fait paraître un article avec pour titre « Le roi Salmane, acteur clef du règlement des crises régionales ».

« La visite du roi Salmane dans les pays arabes riverains du golfe [Persique, ndlr] se fait dans le cadre de son rôle constructif et axial pour renforcer l’unité interarabe et cela dans l’objectif de neutraliser toute menace et rejeter toute ingérence et tentative de complot », peut-on lire dans l’article d’Okaz.  

Et le quotidien d'ajouter sans peur de ridicule : « L’Arabie saoudite joue un rôle de premier plan dans le système de gestion des crises du Moyen-Orient et elle assure la sécurité de la région tout en défendant les causes des nations arabes et islamiques dont celle de la Palestine (!!). Elle s’occupe également des dossiers irakien et syrien et elle se range aux côtés de la nation yéménite ». 

Le roi saoudien (D) rencontre le cheikh Mohammed ben Rachid al-Maktoum, Premier ministre et vice-président des Emirats Arabes unis, à Abu Dhabi, le 3 décembre 2016. ©REUTERS

Ces commentaires ont du mal pourtant à convaincre : la presse saoudienne ne peut camoufler des réalités telles qu'elles se déroulent dans la région : en Syrie, l’Arabie saoudite soutient, depuis le début du conflit, les extrémistes takfiristes qui ont massacré, avec cruauté, un grand nombre de civils et de forces syriennes.

Saida Ahmad Baghili, 18 ans, atteint de malnutrition sévère, est assise sur un lit de l'hôpital al-Thawra, dans la ville portuaire de Hudaydah, au Yémen, le 24 octobre 2016. ©REUTERS

La pensée takfiriste, nourrie par les wahhabites saoudiens, tue même désormais au-delà des frontières du Moyen-Orient, en Europe et aux Etats-Unis.

Au Yémen, où l’Arabie saoudite prétend « rester aux côtés de la population », plus de 11.000 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées, selon les chiffres de l’ONU. Les infrastructures de ce pauvre pays arabe ont été réduites à néant, depuis le début de l’offensive saoudienne contre la population yéménite, il y a presque 18 mois.  

En ce qui concerne le dossier palestinien, au lieu de soutenir ce peuple opprimé face aux exactions du régime israélien, l’Arabie saoudite a déjà commencé à normaliser ses relations avec Israël, fermant les yeux sur les crimes que ce régime commet envers le peuple palestinien.

Reste à savoir comment une Arabie saoudite qui alimente les bourreaux terroristes en fonds et en armements, qui exhorte les Israéliens dans leurs crimes contre les Palestiniens, qui massacre, par son aviation, les femmes et les enfants sans défense au Yémen et qui propage la pensée takfiriste partout dans le monde, est apte à « assurer la sécurité de la région ».

Les analystes politiques voient à travers cette tournée le signe manifeste d'une inquiétude, celle de voir la nouvelle administration US lâcher un peu plus "le petit frère saoudien" En l'absence d'un soutien qui n'en a jamais été un, Riyad cherche à reconduire la mauvaise expérience du passé : creuser les clivages régionaux, s'acharner sur l'Iran à défaut de pouvoir tenir tête aux Etats-Unis. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV