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L'offensive américaine contre Raqqa décodée

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliées aux États-Unis. (Photo d'archives)

Les forces démocratiques syriennes (FSD), composées de Kurdes, de chrétiens et d'Arabes originaires de trois provinces de Raqqa, Deir ez-Zor et Hassaka ont lancé dimanche une opération contre Raqqa, baptisée "Colère de l'Euphrate". C'est en coordination avec les Américains que l'offensive sera menée. 

Comment comprendre le silence turc? 

Selon des sources bien informées, les Américains ont réussi à faire taire Ankara en lui faisant miroiter des gains territoriaux dans le nord d'Alep et dans le nord-est de la Syrie. La couverture aérienne octroyée aux opérations des Kurdes devrait être assurée par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Jordanie. Des unités commandos composées de conseillers militaires occidentaux accompagnent aussi les Kurdes dans leurs opérations. L'effort médiatique de l'Occident consiste à agrandir à souhait la portée et le nombre des forces impliquées dans cette offensive. Ainsi, des agences de presse occidentales évoquent-elles un contingent composé de 30.000 soldats, mais en réalité ce chiffre devrait être revu à la baisse.

Les FSD ont été formées il y a un an à l'initiative des États-Unis, qui ont tout fait pour y rallier les terroristes de l'Armée syrienne libre (ASL), lesquels agissent sur ordre d'Ankara et de Riyad. Un soutien logistique américain assure aux Kurdes de quoi se battre, et c'est l'argent saoudien et qatari qui leur assure les finances nécessaires à augmenter leur capacité de frappe.

Mais quel en est l'objectif ?

Ce projet vise en effet à déployer "une troupe au sol à la solde des États-Unis" dans les provinces du nord-est de la Syrie, "une force d'infanterie au service de Washington". Le projet compte trois étapes : Une progression initiale des forces, l'isolement de Raqqa et sa séparation de toute voie de communication, et enfin la reprise de la ville. Le fait que l'opération soit déclenchée à la veille de la présidentielle américaine a évidemment son sens et vise, à n'en pas douter, à accroître l'électorat démocrate. Il est vrai que les phrases prononcées par Trump, telles "Clinton est la marraine de Daech", sont trop marquantes pour s'effacer de sitôt de la mémoire de l'électeur américain. 

Mais il y a plus : les États-Unis et la coalition occidentale sentent ne pas peser comme ils le souhaiteraient en Irak, où se déroule la bataille pour la libération de Mossoul. Washington est loin en effet d'être un acteur de premier plan, ce qui lui ôte toute possibilité d’engranger les dividendes "médiatiques" d'une victoire à venir. La seule possibilité qu’il lui reste est donc de se rattraper en Syrie. 

Si Daech décide de résister à Raqqa, les Forces démocratiques syriennes ne sauront pas en venir à bout. Le comportement guerrier de Daech face à la Turquie, qui a déclenché il y a trois mois son offensive "Bouclier de l'Euphrate", a prêté à sourire : au lieu de se battre, les terroristes rivalisaient entre eux pour abandonner leurs positions et offrir sur un plateau d'argent Jerablus à Ankara. Ce même scénario pourrait se reproduire à Raqqa. Cela étant dit, cette prétendue offensive anti-Daech contre Raqqa, quand bien même elle serait une opération cosmétique de séduction, cacherait des arrière-pensées géostratégiques. Les États-Unis suivent des objectifs bien précis simultanément en Syrie et en Irak, objectifs qui cadreront évidemment avec le climat post-électoral aux États-Unis. 

Un premier objectif consisterait à remplacer "le groupe sanguinaire Daech" par les Forces démocratiques syriennes, majoritairement kurdes. Cette évolution permettra de concentrer Daech sur les axes reliant Deir ez-Zor, l'est de Homs et de Hama, à toutes des régions pétrolifères et qui se trouvent le long des frontières irakiennes. Cela redoublera la pression sur les forces syriennes déployées sur des fronts nouvellement ouverts avec une nette répercussion sur les rapports de force à Alep. 

En termes stratégiques, l'offensive "Colère de l'Euphrate" cherche à créer de nouveaux axes de confrontation dans le strict objectif d'intensifier les pressions sur les forces syriennes, de multiplier les acteurs et de pérenniser les combats : la Turquie dans le nord d'Alep, les takfiristes et daechistes à l'intérieur et dans la banlieue de cette même ville, les États-Unis, eux-mêmes à Raqqa et à Deir ez-Zor, soit dans le nord-est de la Syrie, Daech dans les régions pétrolifères et désertiques près des frontières avec l'Irak et enfin la mégaconcentration de Daech à Idleb, tout cela contribuera à changer la configuration du conflit dans les semaines à venir. Il s'agit de créer ni plus ni moins que de nouveaux leviers de pression sur la Syrie, afin de lui ôter la possibilité de "marchander" dans les négociations politiques à venir.  

Mais comment peut-on contrer le plan américain? 

Une accélération des opérations de la libération de la province de Ninive et de sa capitale, Mossoul, une extension des combats de libération au-delà des frontières irakiennes en Syrie sauront dans un premier temps ralentir la mise en application du plan américain. Mais les inconnus persistent : quelle sera la réaction de la Russie aux opérations de Raqqa? L'avancée dans la Ghouta ainsi que dans le nord-ouest de Hama se réalisera-t-elle ? Comment réagira Ankara? Optera-t-il pour la poursuite de son opération "Bouclier de l'Euphrate" ? Tolérera-t-il l'avancée des Kurdes ? 

La partie immergée de l'iceberg, les États-Unis la révéleront après la publication des résultats de leur présidentielle et ce, quel qu'en soit le vainqueur... 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV