Dans une France agricole affaiblie, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard a pris un ton martial lundi pour appeler l'ensemble de la chaîne alimentaire « à agir face à la guerre agricole qui se prépare », en lançant des conférences destinées à définir une stratégie nationale sur dix ans.
Face à la « décroissance agricole » en Europe, à l’érosion des capacités de production et à une dépendance croissante aux importations, elle appelle à un « grand réveil alimentaire » pour redonner à la France les moyens de nourrir sa population en cas de crise.
La ministre française de l’Agriculture Annie Genevard a donné le coup d’envoi des « conférences de la souveraineté alimentaire », depuis le marché de gros de Rungis, le lundi 8 décembre. L’enjeu est de taille : établir une stratégie agricole nationale à horizon 2035, dans un contexte jugé alarmant. « La guerre agricole se prépare », a-t-elle lancé d’entrée, dans un discours marqué par l’urgence.
Selon elle, les tensions mondiales — conflit en Ukraine, conflits douaniers avec les États-Unis, taxes chinoises — ont balayé « l’illusion » d’une prospérité durable. Elle affirme que la France entre dans une ère où l’agriculture redeviendra un pilier stratégique de souveraineté. Cette alerte est appuyée par des chiffres précis.
« Depuis 2014, le financement de la politique agricole et alimentaire chinoise par habitant a bondi de 40 %, celui des États-Unis de 86 %, celui de la Russie de 15 %. Et celui de l’Union européenne a reculé de 19 %. C’est une erreur historique à laquelle il faut faire barrage », a déclaré la ministre.
Dans ce climat de compétition internationale, Annie Genevard appelle à tourner le dos à la « décroissance agricole ». Elle critique frontalement les discours écologistes qu’elle juge défaitistes, et les politiques européennes jugées trop contraignantes. La ministre met en garde contre le fait que la balance commerciale agricole française pourrait devenir déficitaire dès 2025, une première depuis près de 50 ans. Elle dresse un constat sévère : « Un actif agricole sur deux partira à la retraite dans les dix prochaines années ». À cela s’ajoutent « la volatilité des prix, le poids des charges, le dérèglement climatique et nos choix de consommation », indique-t-elle. Elle appelle donc à un « patriotisme alimentaire », soulignant que la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages est tombée sous la barre des 20 %, contre 35 % en 1960.
« Si une guerre éclate, que les Français le comprennent bien, c’est sur nos agriculteurs, et sur eux seuls, qu’il faudra compter pour nous nourrir », a-t-elle prévenu.
Ses propos ont pourtant suscité une vive réserve du côté syndical. La FNSEA, principal syndicat agricole, a boycotté l’événement de Rungis, dénonçant une « opération de communication ». Même son de cloche du côté de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne, qui estiment que les agriculteurs sont empêchés de produire, étouffés par les normes et les accords commerciaux défavorables.
En effet, le fossé entre l’État et les agriculteurs se creuse, et le « grand réveil alimentaire » voulu par la ministre démarre dans un climat de défiance généralisée.